L’art sacré à l’heure contemporaine

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 1998 - 484 mots

Depuis une dizaine d’années, nous assistons en France à un renouveau et à une intensification des interventions d’artistes contemporains dans les édifices religieux. Vitraux, tapisseries, mobilier liturgique sont aujourd’hui régulièrement conçus par des créateurs plus familiers des grands musées européens et américains que des lieux de culte.

Introduire l’art contemporain dans les églises et les cathédrales peut paraître, à première vue, une gageure. Même si, face aux choix souvent initiés par la Délégation aux Arts plastiques (Dap)/ministère de la Culture, Isabelle Renaud-Chamska, secrétaire générale du Comité national d’art sacré, estime que “quelquefois, il faut se forcer un peu”, artistes et ecclésiastiques nouent un dialogue fructueux et respectueux. Claude Dagens, évêque d’Angoulême et délégué à ce comité, pose d’ailleurs dans les Chroniques d’art sacré, “un principe essentiel : le refus de toute instrumentalisation de l’art par la foi chrétienne, et réciproquement. Car le risque peut exister dans les deux sens : soit que les exigences de la liturgie imposent aux peintres et aux sculpteurs des contraintes extérieures à leurs projets, soit que les artistes ne s’intéressent à la foi chrétienne que pour faire valoir leurs œuvres”. La Dap collabore dans cette logique avec le Comité national d’art sacré, dépendant du secrétariat des Évêques de France. De leur côté, les artistes doivent si possible respecter “la noble simplicité” prônée par le concile Vatican II pour les œuvres d’art dans la liturgie. La réalisation de vitraux ne répond pas souvent à un réel besoin, mais correspond davantage au souhait de remplacer des créations réalisées au XIXe siècle et passées de mode. Les exemples de ces interventions sont aujourd’hui légion : Soulages à Conques, Garouste à Talant, Alberola, Honegger, Rouan et Viallat à Nevers, Buraglio à Saint-Germain-des-Prés, Aurélie Nemours à Salagon ou Rabinowitch à Digne... La création de mobilier liturgique est davantage une nécessité depuis les changements liturgiques décidés en 1964, lors du concile Vatican II. Si certains curés se satisferaient volontiers des créations de leur ébéniste local, les conseillers aux Arts plastiques des régions ont souvent d’autres ambitions. Mais inviter un grand designer – comme Andrée Putman pour la Primatiale Saint-Jean à Lyon – induit des coûts qui dépassent le budget de l’Église. Le ministère de la Culture doit alors prendre le relais.  L’argent public ne peut cependant pas être versé pour le culte. En général, les projets, études, honoraires des artistes sont financés par le ministère, l’Église prenant à sa charge la réalisation du projet lui-même. Les vitraux sont payés intégralement par l’État et les collectivités locales, puisqu’ils sont attachés à un bâtiment public.

Au-delà des réussites artistiques, ces projets permettent également de faire travailler un réseau d’artisans d’art, maîtres verriers ou de lissiers, tels ceux d’Aubusson qui viennent de réaliser une grande tapisserie imaginée par Roman Opalka pour la cathédrale de Tulle.

- Chroniques d’art sacré, n° 55, automne 1998, 55 F. - Cathédrales : liturgie et patrimoine, édition Desclée/Mame, 1998, 248 p., 139 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°69 du 23 octobre 1998, avec le titre suivant : L’art sacré à l’heure contemporaine

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