Flambée new-yorkaise

Le mobilier français des années 40 et 50 séduit l’Amérique

Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 651 mots

Les New-Yorkais se les arrachent. Les meubles français des années quarante et cinquante, signés Perriand, Prouvé, Royère, connaissent depuis quelques années un succès croissant auprès d’un public américain de plus en plus large. Résultat : les prix flambent.

NEW YORK (de notre correspondante) - Après l’engouement pour l’Art déco et le mouvement américain des Arts and Crafts, c’est au tour des créations de Jean Prouvé, Charlotte Perriand, André Arbus, Jean Royère et Jacques Adnet de susciter l’enthousiasme à New York.

Les prix du mobilier français des années quarante et cinquante atteignent des niveaux étonnants. De Jean Prouvé, la table éclairante en chêne surmontée d’un cadre métallique portant un tube lumineux, créée en sept exemplaires pour la Maison de l’étudiant de la rue Saint-Jacques en 1953, est aujourd’hui proposée autour de 150 000 dollars (825 000 francs) par la galerie 1950, qui vend également son bureau “Présidence” composé d’une tablette en bois sur un cabinet en fer (65 000 dollars), ainsi qu’un bureau sculptural en chêne de Charlotte Perriand – il pèse environ 450 kilos – à 45 000 dollars.

Malgré les prix élevés chez les marchands, “ces meubles n’apparaissent toujours pas dans les salles de vente”, remarque Barbara Diesroth, expert en art du XXe siècle chez Sotheby’s, qui constate avoir vu moins de cinquante pièces passer aux enchères au cours des cinq dernières années. “Il faudra certainement attendre encore dix ou vingt ans”, déclare-t-elle.

Plusieurs antiquaires new-yorkais vendent du mobilier français des années quarante et cinquante : Barry Friedman, Gueridon, la galerie 1950, la galerie de Beyrie, Mobilier, Miguel Saco. Les collectionneurs fréquentent également la Modernism Fair organisée par Sanford Smith : elle se tiendra cette année du 12 au 15 novembre au Seventh Regiment Armory. Tony Delorenzo, qui a été le premier à présenter ces meubles dans sa galerie 1950, estime qu’ils bénéficient d’un effet de mode auprès des collectionneurs : “Mes clients amateurs d’Art déco vendent leur mobilier Ruhlmann afin d’acheter les plus belles pièces des années cinquante”. Ils sont le plus souvent âgés d’une quarantaine d’années et issus du monde des affaires, ou de Wall Street pour les plus récents d’entre eux.

De nombreux clients parmi les marchands et décorateurs
Selon Barry Friedman, de nombreux clients sont eux-mêmes marchands dans d’autres domaines : photographie, peinture contemporaine, art du XIXe siècle. Ces meubles sont également très prisés des décorateurs les plus en vogue – Juan Montoya, Lee Mindel, Noel Jeffrey – qui les achètent pour leurs clients. “Le mobilier français des années quarante et cinquante s’accorde particulièrement bien avec la peinture contemporaine”, souligne-t-il. Et ce mobilier d’apparence massive s’inscrit aussi parfaitement dans l’aménagement des lofts.

Le marché se développe très vite. L’année dernière, l’antiquaire Patrick Marchand a ainsi vendu quinze pièces de Jean Prouvé, à des prix s’échelonnant de 1 500 dollars, pour une chaise, à 20 000 dollars pour une bibliothèque. Une table de 1953 signée Jean Royère, accompagnée de huit chaises, valait environ 27 000 dollars en 1987 ; elle se négocie actuellement autour de 70 000 dollars à la galerie 1950, indique Tony Delorenzo. Il vend en moyenne une trentaine de pièces de Royère par an.

Cette vogue est cependant récente. Barry Friedman, qui déclare avoir été le premier à présenter les créations de Jean Prouvé à New York, ne parvenait pas à les vendre dans les années soixante-dix. Les prix ont triplé depuis, et les records sont détenus par les meubles de Prouvé et de Perriand.
Le mobilier français des années quarante et cinquante rencontre un succès croissant auprès du public américain. L’an dernier, le Brooklyn Museum of Art a décerné à Charlotte Perriand, âgé de 93 ans, son Prix du Modernisme pour couronner l’ensemble de sa carrière.

La difficulté, pour les marchands, est aujourd’hui de trouver des pièces de qualité. Barry Friedman effectue 98 % de ses achats en France, tandis que Tony Delorenzo s’approvisionne directement auprès de propriétaires français à travers tout le pays.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Flambée new-yorkaise

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