Le Tintoret en quatorze tableaux

Une évocation trop rapide d’un génie prolifique et inventif

Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 485 mots

La mairie du Ve arrondissement consacre, pour la première fois en France, une exposition au Tintoret. Si l’on peut déplorer l’absence des œuvres majeures du maître et le faible nombre de pièces présentées – à peine une vingtaine –, cette évocation n’en rappelle pas moins avec efficacité le talent protéiforme du peintre.

PARIS - Quarante ans séparent le Portrait de Zuan Pietro Ghisi avec saint Dimitri et la Sainte Catherine au supplice du Palazzo Patriarcale. Entre l’arabesque colorée de la première composition – mal unifiée mais néanmoins ingénieuse, puisque Dimitri sur son piédestal apparaît en Christ ressuscitant – et le souffle vigoureux de la seconde, un fossé stylistique rappelle combien la carrière du Tintoret fut prolifique et inventive.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre de l’exposition de la mairie du Ve arrondissement, la sélection de quatorze tableaux et d’une étude à la pierre noire du maître ne constitue ni une “leçon de peinture”, ni un résumé, ni une explication à une œuvre extraordinairement variée, dont les plus beaux fleurons sont les décors in situ de la Scuola di San Rocco, à Venise, ou les portraits, peu représentés ici.

Des recherches variées
Cependant, et malgré des pièces très inégales, voire incertaines, cette évocation ne manque pas d’intérêt. Elle permet à la fois de découvrir des tableaux habituellement conservés dans des églises vénitiennes et de prendre la mesure des multiples recherches de l’artiste. Certaines œuvres sont assurément plus curieuses que réussies, telle Sainte Justine, trois camerlingues et leurs secrétaires, où les mains des magistrats forment une ronde étonnante, ou encore la très maniériste et agitée Cène de Saint-François-Xavier, récemment restaurée.

Plusieurs toiles, plus révélatrices du talent protéiforme du Tintoret, sont néanmoins au rendez-vous. Si les Évangélistes de Santa Maria del Giglio se rapprochent, par leur monumentalité et leur touche vigoureuse, de l’art de Michel-Ange, la gracieuse Naissance de la Vierge de San Zaccaria baigne dans une lumière très titianesque, tandis que Sainte Catherine au supplice évoque plutôt Véronèse. Les tentations de saint Antoine, au fini étonnamment soigné pour sa date de 1577, illustre parfaitement la volonté du Tintoret de faire la synthèse entre le dessin énergique de Michel-Ange et la manière tonale de Titien. S’y ajoutent cependant le dynamisme d’une composition centrifuge, avec des raccourcis exacerbés et des effets de lumière plus spécifiques au peintre. Ce luminisme trouvera un aboutissement dans le très beau Lavement des pieds de l’église Santo Stefano, particulièrement bien servi par la scénographie.

Celle-ci, conçue sur le modèle d’une nef d’église et d’un chœur avec déambulatoire, utilise intelligemment un espace réduit et met en valeur les pièces maîtresses de l’exposition, malgré le rouge pompeux des cimaises et un éclairage trop violent qui “écrase” certains tableaux.

LE TINTORET, UNE LEÇON DE PEINTURE

2 octobre-13 décembre, mairie du Ve arrondissement, salle des Fêtes, 21 place du Panthéon, 75005 Paris, tél. 01 43 29 21 75, tlj 11h-17h45, dimanche 14h-17h45. Catalogue 136 p., 180 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Le Tintoret en quatorze tableaux

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