La renaissance du Palais du Parlement de Bretagne

Les peintures restaurées sont présentées au Musée des beaux-arts

Le Journal des Arts

Le 20 novembre 1998 - 807 mots

Longtemps ignorées aux plafonds du Palais du Parlement de Bretagne, les 47 toiles sauvées de l’incendie de février 1994 sont aujourd’hui présentées au public au Musée des beaux-arts de Rennes, après plus d’un an de restauration. L’occasion de reconsidérer l’importance de ces décors pour l’histoire de l’art français.

RENNES - Ruinées après l’incendie de 1994, les quarante-sept peintures du Palais du Parlement de Bretagne ont fait l’objet d’une longue campagne de restauration dont le Musée des beaux-arts de Rennes, en association avec la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac), propose aujourd’hui de découvrir le spectaculaire résultat. Paradoxalement, la menace de leur disparition a remis en évidence leur importance historique. Après la destruction des grands décors parisiens de la première moitié du XVIIe siècle, l’ensemble rennais constitue en effet un témoin capital pour l’histoire de l’art français. Réalisé en plusieurs étapes, il décline à travers les siècles un vocabulaire allégorique certes complexe mais non dénué de poésie, célébrant l’origine divine de la justice rendue au nom du Roi.

Le plus important de ces décors est certainement celui que la ville a commandé en 1656 pour la Grand’Chambre au premier peintre du Roi, Charles Errard, auteur de la galerie des Ambassadeurs aux Tuileries, et dont la gloire était alors à son apogée. L’exposition, grâce à des dessins préparatoires, semble pourtant confirmer la prépondérance de son jeune élève Noël Coypel dans l’élaboration de cet ensemble, véritable manifeste du classicisme auquel la restauration a rendu l’éclat de sa palette originelle. Le modèle du plafond à caissons mis en place à cette occasion conditionnera l’intervention de ses successeurs et, en premier lieu, de Jean-Baptiste Jouvenet, appelé pour orner le Conseil de la Grand’Chambre en 1694. Ces peintures, avec celles de Louis-Ferdinand Elle le Jeune dans la Chambre des Enquêtes (1706), sont celles qui ont le plus pâti de l’incendie. Elles sont présentées au rez-de-chaussée du musée, qui a écarté un parcours chronologique, tandis qu’à l’étage, la somptueuse série de Coypel fait face à l’académisme bon teint de Nicolas Gosse et aux vulgaires allégories de Félix-Armand Jobbé-Duval, dont la lascivité est de nature à troubler la sérénité de la Justice. Les commissaires de l’exposition se sont efforcés d’expliquer avec clarté les opérations de restauration ainsi que les subtilités sémantiques du monde allégorique classique.

Des premiers soins rapides
L’intervention d’une trentaine de restaurateurs pendant plus d’un an a été nécessaire pour rendre vie aux œuvres blessées. Mais l’action déterminante a eu lieu alors que l’incendie n’était pas encore maîtrisé, grâce aux conseils des conservateurs et de l’architecte en chef arrivés rapidement sur place.
En guidant les efforts des pompiers, ils ont pu éviter que des dommages trop importants n’affectent les peintures. Dès le premier soir, toutes les toiles étaient sorties des ruines, et des restaurateurs appelés en urgence ont pratiqué les premiers soins, si l’on peut dire : du papier japon a été appliqué sur les surfaces afin de prévenir les chutes de la couche picturale, extrêmement fragilisée à la fois par la chaleur et par l’eau ; des soulèvements ont été recollés à même le trottoir. Par chance, une étude préalable à la restauration des peintures avait été réalisée en 1988, et les restaurateurs avaient déjà été sélectionnés. Avant qu’ils ne commencent leur tâche, il a fallu lutter contre le développement des micro-organismes lors du séchage. Grâce à un judicieux traitement des supports, la transposition des peintures a pu être évitée. Certaines toiles avaient pourtant considérablement souffert. Sur la Clémence de Nicolas Gosse (1837), par exemple, un “ventre” de 18 cm s’était formé sous le poids de l’eau. La toile a été mise en extension sur bâti, puis a subi une vingtaine de passages en chambre d’humidification afin de retrouver sa planéité originelle. Contrairement à la Clémence, le Triomphe de la Justice de Jouvenet s’était, lui, déchiré en trois parties. Les trois lés n’ayant pas tous réagi de la même façon, les différentes parties ne coïncidaient plus. Ce ne sont que quelques exemples des incroyables difficultés rencontrées par les restaurateurs.

Toutes les opérations se sont déroulées à Rennes, à la demande expresse de l’Association pour la Renaissance du Palais du Parlement (ARP) qui, grâce aux nombreux dons de particuliers, d’entreprises et de collectivités locales, a financé l’aménagement de l’atelier dans un vaste hangar (cinq millions de francs) et son coût de fonctionnement (un million par an). En revanche, elle n’a contribué qu’à hauteur de trois millions à la restauration proprement dite, les sommes récoltées n’ayant pas été aussi importantes que prévu. Après l’achèvement de ce premier volet va débuter la restauration des très nombreuses boiseries peintes, démontées et scrupuleusement inventoriées.

PALAIS DU PARLEMENT DE BRETAGNE, LES PEINTURES RESTAURÉES

Jusqu’au 4 janvier, Musée des beaux-arts de Rennes, 20 quai Émile-Zola, 35000 Rennes, tél. 02 99 28 55 84, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-12h et 14h-18h. Catalogue, coll. “Images du patrimoine�?, 88 p., 95 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°71 du 20 novembre 1998, avec le titre suivant : La renaissance du Palais du Parlement de Bretagne

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