Starck « design » l’école des arts déco

Le Journal des Arts

Le 20 novembre 1998 - 480 mots

Pièce maîtresse de la restructuration des locaux de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), implantée à l’angle des rues d’Ulm et Érasme dans le cinquième arrondissement de Paris, l’extension conçue par Philippe Starck – associé à Luc Arsène-Henry – vient d’ouvrir ses portes. Tout juste fonctionnelle, la conception du nouvel édifice confirme une fois de plus la propension du designer à enfermer les exigences d’un programme à l’intérieur de ses obsessions stylistiques.

PARIS. Implanté rue Érasme, en lieu et place d’un bâtiment à ossature métallique récupéré en 1975, l’édifice conçu par Philippe Starck et Luc Arsène-Henry constitue la partie la plus visible d’une vaste restructuration de l’école impulsée par son directeur Richard Peduzzi, qui inclut, outre une réforme de l’enseignement, la rénovation de ses anciens locaux donnant sur la rue d’Ulm et la construction, dans la cour partagée avec l’École normale supérieure voisine, d’une nouvelle cafétéria. Lauréat d’un concours organisé par le ministère de la Culture en 1992, le projet de Starck et Arsène-Henry s’est officiellement distingué de ses concurrents par une meilleure prise en compte du souci de bien faire fonctionner le nouvel édifice avec les anciens. Ancien élève de Camondo, designer boulimique faisant des incursions fréquentes dans le domaine de l’architecture, Philippe Starck avait sans doute également le profil idéal pour concevoir l’architecture d’une telle école. À ceci près qu’ayant une fâcheuse tendance à projeter sur tout objet ses propres obsessions stylistiques, il était sans doute prévisible qu’il ne s’attache que modérément à satisfaire aux exigences du programme. Le nouveau bâtiment reflète cette inversion des priorités. L’organisation générale, tout juste fonctionnelle, se caractérise autant par son manque d’originalité que par la fascination de Starck pour les espaces autarciques et pseudo-oniriques : à l’intérieur de l’édifice, un couloir non éclairé naturellement distribue à chaque étage des salles de travail étroites implantées le long des façades, tandis qu’à la jonction de la nouvelle et de l’ancienne école, un escalier hélicoïdal se déploie sur cinq niveaux à l’intérieur d’un espace vertical quasi cryptique, l’ensemble des circulations étant de couleur rouge brique afin d’encore en accentuer le caractère caverneux. À l’extérieur, même topo : pour exprimer l’identité de l’école, Starck a fait le choix d’une façade sur rue entièrement opaque, condamnant de fait les usagers à ne voir de l’extérieur que la lumière blafarde filtrant à travers le marbre blanc dont elle est constituée. Rehaussée par le designer d’un grand cadre mouluré censé signifier l’idée de “décor” spécifique à l’école, on serait quant à nous plutôt tenté d’y voir une représentation triomphante de son... narcissisme. Lors de l’inauguration, jeudi 12 novembre au soir, Catherine Trautmann, ministre de la Culture et de la Communication, a été accueillie par un concert de protestations. Le personnel distribuait des tracts critiquant notamment “la façade aveugle, non-sens pour une école d’art”, tandis qu’on pouvait lire sur un calicot : “Oui à la transparence, non à l’Ensad”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°71 du 20 novembre 1998, avec le titre suivant : Starck « design » l’école des arts déco

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