Charlotte Salomon ou l’art total

Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 354 mots

La Royal Academy of Arts de Londres accueille la première exposition en Grande-Bretagne de Charlotte Salomon (Berlin 1917-Auschwitz 1943). Le commissaire de la manifestation, Monica Bohm-Duchen, entend ainsi réévaluer le travail de l’artiste d’un point de vue esthétique.

LONDRES - L’œuvre de Charlotte Salomon, tout en n’utilisant qu’une seule technique servie par les trois couleurs primaires plus le blanc, parvient à une synthèse entre différents aspects de la culture allemande – la musique, le théâtre, les dessins humoristiques, l’art et la littérature – et son histoire personnelle, sa courte vie et le destin tragique de sa famille.

“Par sa nature autobiographique, cette œuvre anticipe de nombreux concepts qui ont depuis émergé dans l’art moderne, surtout dans le travail de femmes”, estime Monica Bohm-Duchen. Elle se réfère en particulier aux 784 gouaches accompagnées de textes et peintes entre 1940 et 1942 par Charlotte Salomon alors que sa famille s’est réfugiée dans le sud de la France pour échapper aux nazis. D’une qualité exceptionnelle, le cédérom qui accompagne l’exposition est essentiel à la bonne compréhension de l’œuvre. Il propose la traduction des textes allemands et comprend les musiques qui, pour l’artiste, devaient accompagner ses images.

Plus que de la brutalité de la guerre et des nazis, ces peintures naïves, à la fois lyriques et caricaturales, témoignent du riche tissu culturel de l’Allemagne d’avant-guerre, vue par Charlotte Salomon depuis son exil. Écrivains, musiciens, artistes et surtout chanteurs d’opéra valsent au fil de ses pages. Des mesures d’opéra révèlent même les idéaux romantiques qui l’ont nourrie. En décembre 1943, elle est déportée à Auschwitz et tuée dès son arrivée. Avant de partir, elle avait confié son œuvre à un médecin local, avec ces derniers mots, peut-être apocryphes : “Prenez-en grand soin, c’est toute ma vie”. Après la guerre, ce docteur a remis les dessins au père et à la belle-mère de l’artiste, qui en ont fait don au Musée historique juif d’Amsterdam en 1972.

LIFE ? OR THEATRE ? THE WORK OF CHARLOTTE SALOMON

Jusqu’au 17 janvier, Royal Academy of Arts, Burlington House, Piccadilly, Londres, tél. 44 171 300 800, tlj 10h-18h, fermé les 25 et 26 décembre. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : Charlotte Salomon ou l’art total

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