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Menaces sur Kerguéhennec

L’installation du Centre Tal-Coat et un prérapport désobligeant mettent en péril le centre d’art breton.

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 septembre 2008 - 760 mots

L’installation d’un centre consacré au peintre breton Tal-Coat et un prérapport désobligeant du ministère de la Culture viennent fragiliser le centre d’art du Domaine de Kerguéhennec. Sur fond d’atermoiements de la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne et d’impatience du Conseil général du Morbihan, ces tensions pourraient coûter cher à l’institution dont l’action est saluée tant en France qu’à l’étranger.

Domaine de Kerguéhennec
Domaine de Kerguéhennec.

BIGNAN - Bien que respectés aussi bien en France qu’à l’étranger, le centre d’art Domaine de Kerguéhennec à Bignan (Morbihan) et son directeur Frédéric Paul sont sur la sellette. Les tensions ont débuté en 2005 lorsque la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bretagne a refusé de valider la convention proposée par Frédéric Paul, alors même que le Conseil général du Morbihan, propriétaire du château et principal financeur du lieu, semblait prêt à la signer. Chose étrange, la DRAC exige un sursis sans pour autant déclarer le projet irrecevable. Lors de l’assemblée générale du Conseil d’administration du domaine en juillet 2007, Annick Guillou-Moinard, vice-présidente du Conseil général, demande à Jean-Yves Le Corre, directeur régional des Affaires culturelles, de justifier les atermoiements. Celle-ci exprime dans le même temps des doutes sur le projet musical porté par Frédéric Paul. « Honnêtement, je n’ai pas d’explications à l’absence de convention », soupire Frédéric Paul, en ajoutant : « L’État s’y est pris trop tard pour permettre à nouveau une entente entre les trois partenaires. »

Cette désagrégation du dialogue pourrait expliquer les initiatives prises par le département. Début 2007, la sous-traitance du rez-de-chaussée du château et du parc est attribuée à la société d’économie mixte Sagemor. Celle-ci publie un dépliant qui tait l’existence du parc de sculptures et de l’atelier régional de restauration tout en faisant l’impasse sur les expositions du centre d’art ! Dans le même temps, le Conseil général avalise le projet d’un centre de recherche sur l’œuvre du peintre breton Tal Coat, porté par Olivier Delavallade, directeur de la manifestation « L’Art dans les Chapelles ». Cette structure prendra pied dans les locaux de l’atelier de restauration, lequel pourrait migrer à Vannes. Une exposition en guise de préfiguration à l’implantation de ce nouvel intervenant est même programmée du 25 octobre 2008 au 4 janvier 2009 au château. Cette installation marque-t-elle le désaveu du Conseil général envers le centre d’art ? « Ce n’est pas mon sentiment, affirme Olivier Delavallade. La volonté est plutôt de conforter à Kerguéhennec une vocation autour des arts plastiques. Le centre Tal-Coat aura la possibilité de toucher d’autres publics. C’est un élément de complémentarité à travers un ancrage dans l’art plus moderne. Mon idée n’est pas de mettre en minorité le centre d’art. Je ne suis pas là pour saboter ou saborder le travail réalisé là depuis vingt ans. » L’incursion de ce nouvel intervenant inquiète toutefois les professionnels. Lors de l’assemblée générale du conseil d’administration du centre d’art en juillet 2007, Catherine Elkar, directrice du Fonds régional d’art contemporain de Bretagne, soulignait que la réputation du domaine tenait à son unicité. La parcellisation des fonctions réduirait dès lors son rayonnement. Un sentiment que partageait Jean-Yves Le Corre, lequel craignait une confusion par superposition des acteurs. D’après Frédéric Paul, le projet Tal Coat résulterait de l’incapacité budgétaire du centre d’art d’ouvrir le château en dehors de la période estivale. Encore eut-il fallu que les moyens matériels de celui-ci augmentent proportionnellement au développement de ses activités et à l’ouverture du château. Or, la subvention de la DRAC est en chute libre depuis 2002, celles du département et de la région étant stationnaires respectivement depuis 2005 et 2006.

Un prérapport critique
Last but not least, un prérapport commandé à Philippe Hardy et René Klein, inspecteurs généraux au ministère de la Culture, vient jeter de l’huile sur le feu. Réquisitoire violent envers l’action culturelle du centre d’art, ce document fustige l’élitisme supposé de son directeur. Cette opération de lynchage d’un professionnel reconnu vise-t-elle tout bonnement à liquider un centre d’art par temps d’indigence budgétaire ministérielle ? « Le scénario évident est de me virer. L’autre serait de profiter de mon départ pour remodeler le centre d’art en réorientant la physionomie de la programmation et en intégrant le Centre Tal-Coat », avance Frédéric Paul. « Frédéric Paul est pour nous l’un des meilleurs professionnels, assure le délégué aux Arts plastiques, Olivier Kaeppelin. Il n’est nullement question de le lâcher ni de fermer Kerguéhennec. » D’où vient alors le malaise ? Le Conseil général n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Philippe Hardy et Jean-Yves Le Corre n’ont, quant à eux, pas donné suite à nos appels. À suivre...

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : Menaces sur Kerguéhennec

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