Rome

L’empreinte d’Hadrien

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 2 septembre 2008 - 501 mots

Le British Museum revient sur le règne et la personnalité de l’un des plus grands empereurs romains.

LONDRES - « À peine en route, un nouveau courrier m’annonça officiellement le décès de l’empereur. Son testament, qui me désignait comme héritier, venait d’être envoyé à Rome en mains sûres. Tout ce qui depuis dix ans avait été fiévreusement rêvé, combiné, discuté ou tu, se réduisait à un message de deux lignes, tracé en grec d’une main ferme par une petite écriture de femme. Attianus, qui m’attendait sur le quai de Sélinonte, fut le premier à me saluer du titre d’empereur. » (Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien). Hadrien a quarante ans en 117 lorsque l’empereur Trajan, sur son lit de mort, le désigne comme son successeur à la tête du plus grand empire occidental. Durant deux décennies, le règne qui s’en est suivi a longtemps rimé avec stabilité, richesse et prospérité. Ce sentiment a été renforcé par le célèbre roman de Marguerite Yourcenar, une autobiographie imaginaire de l’empereur publiée en 1951. Aujourd’hui, l’aura de philosophe éclairé dont jouit Hadrien passe par la case obligatoire de la révision historique, ce, grâce aux récentes découvertes archéologiques faites en Méditerranée dont la nouvelle exposition du British Museum, à Londres, se fait l’écho.
Consolidation de l’empire, avec le retrait des troupes postées en Mésopotamie et la construction du fameux mur frontière au sud de l’Écosse, héritage architectural, avec la villa Tivoli ici évoquée avec un imposant plan-relief, et foisonnement artistique sont parmi les thèmes caractéristiques du pouvoir d’Hadrien déclinés dans un parcours à la scénographie aussi claire que captivante qui ne néglige en rien la complexité du personnage : Hadrien le brillant stratège, le gestionnaire averti, l’esthète et fin lettré côtoie le chef de guerre endurci, le dictateur spirituel, voire la brute sanguinaire. Si les représentations sous les traits de Jupiter font partie de la panoplie impériale, le culte imposé de son amant Antinoüs, jeune éphèbe grec tragiquement noyé, ou encore les objets retrouvés dans les cavernes où s’étaient réfugiés les insurgés juifs menés par Simon Bar Kokhba, témoignent d’une poigne propre aux plus intraitables.
Originellement conçu à la gloire de l’Empire britannique, le British Museum prouve une nouvelle fois l’intelligence avec laquelle il s’est reconverti en musée de société à mission pédagogique. Après le premier « Empereur de Chine » à l’automne 2007, l’institution poursuit son cycle en analysant les grands empires de l’Histoire – ce qui les fait et ce qui les défait – en regard de notre civilisation contemporaine. À venir, l’exposition sur le royaume persan du Shah Abbas promet d’être délicate, non seulement dans son organisation, mais aussi dans sa perception par un public londonien à forte population issue de l’immigration. Au vu de la qualité du parcours ici présenté, gageons que le British Museum saura trouver le ton juste.

HADRIEN – EMPIRE ET CONFLIT

Jusqu’au 26 octobre, British Museum, Great Russell Street, Londres, tél. 44 207 323 8000, www.britishmuseum.org, tlj 10h-17h30. Catalogue en anglais, 256 p., environ 35 euros, ISBN 978 0 7141 5069.

HADRIEN

- Commissaire : Thorsten Opper, conservateur au musée, spécialiste de la sculpture grecque et romaine
- Mécénat : BP

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : L’empreinte d’Hadrien

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