A Toulouse, l’art aux Abattoirs

Un nouveau pôle culturel au Sud

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 18 décembre 1998 - 833 mots

À la fin du mois d’octobre 1999, Toulouse inaugurera le dernier grand projet du siècle, en France, consacré à l’art moderne et contemporain : Les Abattoirs. Après plus de douze ans de réflexion et de travaux s’ouvrira un lieu unique qui tient à la fois du musée, du centre d’art et du Frac. Une expérience unique à l’échelle nationale.

La rive gauche de la Garonne, à Toulouse, est devenue depuis quelques années un pôle culturel actif. En face de l’École supérieure des beaux-arts et de la Fondation Bemberg, se déploient notamment le Centre de l’affiche et de l’art graphique, l’Espace Saint-Cyprien, le Théâtre Garonne et la Galerie municipale du Château-d’eau. Plus loin, “Les Abattoirs” achèveront de dynamiser cette rive en offrant un lieu unique réservé à l’art moderne et contemporain. Saisissant l’opportunité de l’abandon définitif des anciens abattoirs de la ville, en 1988, les concepteurs du projet ont décidé d’en faire le haut lieu de l’art de notre siècle en Midi-Pyrénées. L’architecte Urbain Vitry s’était inspiré du plan de la basilique Saint-Sernin pour construire, entre 1827 et 1831, ces abattoirs, agrandis entre 1881 et 1891, puis modernisés en 1929. Après un concours international, Antoine Stinco et Rémi Papillaut ont été désignés le 16 décembre 1995 pour concevoir la réhabilitation des espaces, le lieu d’exposition proprement dit, mais aussi le café, la bibliothèque et l’aménagement paysager du site. Les architectes ont conservé la volumétrie des anciens abattoirs, réalisant au sous-sol un auditorium de deux cents places. De plus, à l’image d’Adrien Fainsilber à Strasbourg pour le Christ devant le prétoire de Gustave Doré, une salle a été spécialement conçue pour accueillir la Dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin (1936), un rideau de scène de Picasso mesurant 8 x 13 m.

Le projet des Abattoirs est né de la fusion unique de plusieurs structures réunies aujourd’hui dans un syndicat mixte. Le Musée municipal d’art moderne, le Centre régional d’art contemporain, installé à Labège jusqu’en 1994, et le Frac Midi-Pyrénées se sont regroupés pour fédérer leurs énergies et proposer au public un lieu à la fois orienté vers une politique patrimoniale et vers la création la plus actuelle. Cette association a également permis de multiplier les financements. Ainsi, l’État a versé 40 % des 110 millions de francs du projet architectural, la Ville de Toulouse 36 % et la Région Midi-Pyrénées 24 %. Le budget de fonctionnement est pris en charge à 60 % par la Ville et à 40% par la Région. Enfin, même si les Abattoirs n’ont plus acheté d’œuvres ces dernières années, le budget d’acquisition est fixé à 1 850 000 francs par an, soit 750 000 francs versés par la Ville, 500 000 par la Région et 600 000 par la Délégation aux Arts plastiques, héritage de l’ancien statut du Frac.

Les 3 000 m2 d’exposition feront l’objet d’un accrochage changeant, aussi bien dans le dosage des espaces réservés aux collections permanentes et aux expositions temporaires que dans les mouvements artistiques présentés. Selon Pascal Pique, directeur pour l’art contemporain et la diffusion régionale, “autant dans la répartition dans l’espace que dans le contenu des accrochages, les Abattoirs tiendront à la fois du centre d’art et du musée”. Alain Mousseigne, directeur de la structure, prévoit de consacrer dans un avenir proche l’ensemble des espaces d’exposition à un panorama de l’art italien au XXe siècle.

L’un des principaux axes des collections des Abattoirs est justement la création du sud de l’Europe. L’ensemble est très tourné vers la peinture, la sculpture et les installations représentant un pourcentage très faible des 1 470 pièces de la collection, dont 687 proviennent du Frac, 606 de l’artothèque, 147 du musée, et 30 ont été acquises depuis 1995 par la nouvelle structure. Par rapport à d’autres musées d’art moderne et contemporain, les Abattoirs débutent tard dans le siècle, puisque la pièce la plus ancienne date de 1936. La présentation permanente fera la part belle à l’Expressionnisme abstrait, à l’Art lyrique, au Tachisme et à l’Art brut, à l’Art informel, à El Paso, Cobra et Gutaï, au Spatialisme, à l’Arte povera, à la Trans-avant-garde et à la Figuration libre. Cet ensemble a été dernièrement enrichi de quelque 400 œuvres issues de la donation Cordier et par un dépôt d’Hantaï.

En écho à certaines pièces de la collection – Gutaï, Equipo chronica, Bazilbustamante –, l’exposition inaugurale sera consacrée à “L’œuvre collective”. Elle mettra notamment en exergue les couples d’artistes, les groupes et manifestes, les collaborations ponctuelles et les “procédures intégrant le spectateur comme élément constitutif de l’œuvre”. Avant octobre et l’ouverture du lieu, les Abattoirs continuent à organiser des manifestations : en juin, débutera “González. Échanges avec Picasso” au Réfectoire des Jacobins, en collaboration avec le Centre Georges Pompidou. Enfin, jusqu’au 30 janvier, le Palais des Arts/Musée de la Médecine à Toulouse accueille “Organic”, une exposition d’art contemporain organisée par Pascal Pique et réunissant Michel Blazy, Erwin Driessen & Maria Verstappen, Hubert Duprat, Anya Gallaccio, Thomas Grünfeld, Hans Haacke, Wendy Jacob, Matthieu Manche, Max Mohr, YoYoï Kusama et l’Atelier van Lieshout.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : A Toulouse, l’art aux Abattoirs

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