Un Maroc pluriel

Une exposition qui témoigne de la diversité des cultures rurales

Le Journal des Arts

Le 18 décembre 1998 - 644 mots

Alors que Paris accueillera l’an prochain une saison marocaine, Tervuren, pour conclure les manifestations consacrant le centenaire du musée, délaisse l’Afrique centrale pour s’intéresser aux cultures rurales du Maroc, présentées à travers plus de 700 objets que la photographie, ancienne et moderne, replace dans son contexte ethnographique.

TERVUREN - Les 1 800 m² du parcours offre au visiteur une diversité d’approches bienvenue : œuvres d’art, objets ethnographiques et reconstitutions permettent de saisir la culture marocaine dans sa pluralité. On regrettera peut-être quelques effets dont les organisateurs auraient facilement pu se passer : les “boules d’odeurs” composées d’épices, qu’il faut traverser pour accéder à l’exposition, n’ont rien d’enivrant ; la mise en place des peintures anecdotiques de Charles Kérivel tient du mauvais goût, et le souk reconstitué dans une version aseptisée relève du poncif ethnographique tel qu’on le pratiquait à Tervuren il y a un siècle.

Diversité culturelle
Pour le reste, l’exposition se révèle remarquable. Un soin particulier a été apporté au volet didactique qui présente en introduction les cultures régionales, allant du Rif au pré-Sahara en passant par le Moyen Atlas, l’Anti-Atlas, le Siroua et le Haut Atlas. Articulée en six sections, l’exposition illustre la diversité des formes d’expression de la culture marocaine. On découvrira successivement la céramique du Rif, les tapis berbères – représentés par quelques grands spécimens du Haouz d’une facture exceptionnelle –, les poteries du Sud, les tapis du Siroua, des instruments de musiques des Gnaoua, descendants des esclaves noirs pris au Sahara méridional, pour finir par une sélection de grande qualité de bijoux venus du Sud marocain. La confrontation entre cultures nomades et pratiques sédentaires se révèle riche, tout comme la diversité des populations, particulièrement bien mise en évidence. Qu’il s’agisse de la présence juive, avec ses coutumes spécifiques, ou de l’organisation des Gnaoua en confréries qui lient musique et thérapie et dont l’activité s’inscrit dans le cadre de rites initiatiques, l’exposition met en relief les rencontres de cultures mêlant à l’Islam des rites d’Afrique noire ou faisant coexister Judaïsme et Islam.

Art et ethnographie
Basée sur un noyau important de pièces appartenant aux collections du Musée de Tervuren, l’exposition réunit des œuvres et des objets venus de collections privées et de musées marocains, français et américains. La mise en scène des pièces est soignée. Sobre dans sa présentation, le parcours offre un double regard. L’objet est présenté pour lui-même, et la sélection des pièces a souvent été guidée par la qualité esthétique de l’objet élevé au rang d’œuvre. À ce développement artistique répond une préoccupation ethnographique. Celle-ci s’exprime dans la présence permanente de reportages photographiques anciens et modernes. Se juxtaposent ainsi les vues prises entre 1934 et 1939 par l’ethnographe Jean Besancenot et celles de 1949-1950 par l’ethnologue Hugo Bernatzik. Ces documents sont complétés par des photographies et reportages vidéo actuels. Consacrés à la vie sous la tente, à la création de textiles, à ces greniers citadelles que sont les agadirs ou à la valeur anthropologique du bijou, ceux-ci rendent vie aux objets “éteints” par la muséologie et seulement fixés par la photographie.

Le catalogue reproduit de façon soignée l’essentiel des pièces présentées. Rédigé par une quinzaine de spécialistes internationaux, il offre un panorama complet de la culture rurale marocaine en fournissant des éclairages complémentaires sur la culture de l’arganier ou l’organisation du droit coutumier.

On saluera enfin l’actualité de l’exposition, mise en évidence par les organisateurs. S’adressant autant au public marocain (statistiquement la première communauté immigrée de Belgique) qui, pour les plus jeunes, y puisera matière à une identification positive, qu’aux Belges qui découvriront une culture qu’ils ignorent, elle jette un pont entre des communauté qu’une certaine politique tend trop facilement à opposer.

SPLENDEURS DU MAROC

Jusqu’au 31 mai, Musée royal de l’Afrique centrale, 13 chaussée de Louvain, 3080 Tervuren, tél. 32 2 769 52 11, www.africamuseum.be, tlj sauf lundi de 10h-17h, sam.-dim. et jf 10h-18h. Catalogue 400 p., 950 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : Un Maroc pluriel

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