De Thonet à Ruhlmann

Deux vacations Art déco chez Me Tajan

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 22 janvier 1999 - 699 mots

L’expert Félix Marcilhac présentera le 27 janvier à Drouot, dans une vente dirigée par l’étude Tajan, un ensemble de meubles autrichiens mais aussi des vitraux de Jacques Gruber et des verreries. Quelques jours plus tard, Jacques Tajan proposera le 10 février, rue des Mathurins, quarante lots dont une vingtaine de meubles de Ruhlmann datant des années 1920, qui ne sont encore jamais passés en vente publique.

PARIS - L’ébéniste autrichien Michael Thonet est le premier à avoir exploité la technique du bois courbé sur un plan industriel. Ses premières chaises, réalisées en placages minces sur des armatures en bois raboté en rond et courbé, datent du début des années 1840. Leur légèreté et leur simplicité, qui les distinguaient des meubles lourds et massifs réalisés par Biedermeier, l’autre ébéniste en vogue de l’époque, leur ont assuré un succès immédiat. En 1842, il a déposé un brevet de “cintrage du bois dans les formes et chantournements les plus variés”, copié par de nombreuses sociétés à partir de son expiration, en 1869. Jacob et Joseph Kohn, par exemple, produisaient à la fin du XIXe siècle plus de 5 000 meubles par jour. La plupart de ces fabriques ont fait appel à des artistes indépendants, dont les plus célèbres sont Josef Hoffmann, Gustave Siegel et Otto Wagner. La vente organisée le 27 janvier par l’étude Tajan propose une cinquantaine de ces meubles autrichiens provenant pour l’essentiel d’une seule et même collection. Entre autres, un fauteuil en bois coupé vernissé à accotoirs en arc de cercle (60-80 000 francs), et un fauteuil à oreilles en bois courbé vernissé façon acajou de Jacob Kohn et Josef Hoffmann (15-20 000 francs) ; un siège double “conversation” de Thonet, en bois courbé vernissé rouge façon acajou à accotoirs détachés en arc de cercle (10-20 000 francs) ; un fauteuil à bascule en bois courbé vernissé marron foncé (3 500-4 000 francs). La vacation comprend également une trentaine de vitraux de Jacques Gruber (600 à 1 000 francs), ainsi qu’un vase balustre Daum en verre doublé vert foncé sur fond marmoréen bleu clair et violet (25-30 000 francs) et un vase “poissons” en verre soufflé-moulé opalescent de René Lalique.

Festival Ruhlmann
L’architecte Jean Bloch avait fait aménager son appartement parisien, au milieu des années vingt, par Émile Jacques Ruhlmann et Jean Dunand. Une vingtaine de ces meubles et objets d’art exceptionnels (estimés 5 à 6 millions de francs), qui n’ont jamais quitté l’appartement, seront mis en vente le 10 février à l’Espace Tajan. À remarquer, un grand bureau plat en loupe de noyer d’Amérique vernie (800 000-1 million de francs), estampillé au fer à chaux et frappé de la marque de l’atelier B. Initialement conçu pour recevoir un plateau gainé de maroquin, il a été finalement orné de galuchat blanc en mosaïque de losanges à filets d’ivoire, qui confèrent une préciosité et un raffinement supplémentaires à cette création originale. Il a été exposé en 1931 à l’Exposition coloniale, dans le bureau du maréchal Lyautey. Un meuble classeur à corps quadrangulaire en ébène de Macassar poli sur bâti de chêne, ouvrant par deux portes pleines en loupe de noyer d’Amérique, laisse apparaître une pendule à cadran circulaire (400-500 000 francs).

Le salon de Jean Bloch comprenait également une paire de fauteuils en ébène de Macassar poli sur bâti de chêne, à dossier droit plat recourbé en partie haute (400-500 000 francs). Ces fauteuils, variante du modèle de bergère “Axelson”, spécialement conçus pour l’architecte, ont été exécutés avec des pieds boules en bois au lieu des olivettes en bronze argenté prévues à l’origine sur ce modèle. Parmi les autres pièces importantes figurent une “table ascenseur” en loupe de noyer d’Amérique vernie sur bâti de chêne (700-800 000 francs), une paire de petites tables (300-400 000 francs) et une suite de quatre chaises, toutes en ébène de Macassar, un canapé-lit de repos en loupe de noyer d’Amérique vernie à longeron (300-400 000 francs). “Ce mobilier Ruhlmann est d’une qualité exceptionnelle, supérieure même au mobilier XVIIIe, souligne Félix Marcilhac. C’est de la très grande ébénisterie. Ces pièces devraient séduire les collectionneurs anglais et américains, quelques Français, ainsi que des acheteurs du golfe Persique. Ils devraient également attirer les grands marchands d’Europe et d’outre-Atlantique”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : De Thonet à Ruhlmann

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