Monuments historiques à vendre ?

Une réforme de la législation italienne inquiète le monde politique et culturel

Le Journal des Arts

Le 8 janvier 1999 - 584 mots

Un amendement contesté a été adopté en première lecture par la Chambre des députés italienne. Il prévoit la possibilité pour les municipalités et les provinces de vendre les biens immobiliers d’intérêt historique ou artistique.

ROME (de notre correspondant) - La Ligue du Nord a mis en émoi le monde politique et culturel en proposant, par l’intermédiaire de Mauro Michielon, un expert-comptable de la fonction publique, cet amendement à la loi de finances : “Dans le cas d’aliénation de propriété des biens immobiliers d’intérêt historique et artistique appartenant à des municipalités et des provinces, s’appliquent les dispositions des articles 24 et suivants de la loi du 1er juin 1939, n° 1089. L’alinéa 24 de l’article 2 de la loi du 16 juin 1998, n° 191, est supprimé”. Derrière ce texte nébuleux, se cache une extension du régime des œuvres d’art et des antiquités aux monuments historiques. Les dispositions de la loi 1089, citées par l’amendement, prévoient en effet que le ministre des Biens culturels “peut autoriser l’aliénation d’antiquités ou d’œuvres d’art, propriétés de l’État ou d’autres organismes et institutions publics, à la condition que leur conservation n’en pâtisse pas et que n’en soit pas diminuée la jouissance publique. Le ministre peut de même autoriser l’aliénation de copies et en général d’antiquités et d’œuvres d’art qui ne présentent pas d’intérêt pour les collections de l’État et d’un autre organisme ou institution publics”.

La même procédure peut donc aujourd’hui être utilisée par les municipalités et les provinces pour vendre des bâtiments d’intérêt historique et artistique, si le ministre estime que cela est possible. Une loi identique avait été proposée par l’ex-ministre de la Fonction publique, Franco Bassanini, aujourd’hui sous-secrétaire du groupe parlementaire de la Gauche démocratique. Si, à la suite du tollé général provoqué par la proposition, la loi avait été repoussée, l’amendement Michielon a, lui, été approuvé par la Chambre le 19 novembre, par 257 votes contre 105. La presse a largement commenté l’information. Il Messaggero de Rome a titré : “Le Colisée et les Forums en danger “, Il Sole 24 ore : “Les biens historiques des municipalités mis en vente”, L’Unità : “À vendre : château à l’abandon”, et ainsi de suite. Mais tout le monde n’a pas été aussi critique. L’Unità elle-même a publié un entretien avec Fabrizio Bracco, un démocrate de gauche très actif dans l’examen des mesures concernant les biens culturels. “En substance, a-t-il déclaré, l’autorisation de vendre concédée aux municipalités ne signifie pas que le Colisée ou quelque autre monument que ce soit peut être acquis par le premier venu. L’article 24 de la loi de tutelle, qui soumet à l’autorisation préalable du ministère des Biens culturels toute aliénation de biens de propriété publique, demeure pleinement en vigueur et empêche donc une telle éventualité”. Massimo Cacciari, le maire de Venise – où la vente des palais Nani, Manfrin et Minotto est déjà en cours –, a lui aussi manifesté son approbation. En revanche, le porte-parole des Verts, Luigi Manconi, s’y est opposé, parlant de “culture bradée”. Et la ministre ? Giovanna Melandri se trouvait à Assise lorsque la loi a été votée. À son retour à Rome, elle a déclaré qu’elle était très préoccupée par l’amendement voté à la Chambre, et qu’elle espérait une réforme du Sénat : “En tant que ministre des Biens culturels, je ne peux qu’être inquiète des effets que cette loi pourrait avoir”. Dernièrement, le FAI (Fonds pour le patrimoine italien) s’est lui aussi joint au chœur des protestations. En attendant que le Sénat se prononce.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°74 du 8 janvier 1999, avec le titre suivant : Monuments historiques à vendre ?

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