De Robert Boyvin à Pascin

Des livres anciens et modernes estimés à 2,5 millions de francs

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 659 mots

Un magnifique livre d’heures du XVe siècle et un exemplaire relié par Pierre Legrain des Histoires naturelles de Jules Renard, agrémenté de lithographies originales de Henri de Toulouse-Lautrec, constituent deux des pièces majeures de la vente organisée le 17 février par l’étude Laurin-Guilloux-Buffetaud. Cet ensemble composé de beaux livres anciens et modernes, provenant à 85 % d’une même collection, est estimé 2,5 millions de francs.

PARIS - Bethsabée se baigne nue dans un bassin, cachant son sexe de la main gauche alors que la droite suit lascivement le fil de l’eau. Sa forte cambrure met en valeur son ventre, conformément à l’iconographie du XVe siècle. Cette spectaculaire miniature aux couleurs éclatantes – la chevelure rousse de Bethsabée, son corps rose pâle, les montagnes bleues apparaissant à l’horizon –, exécutée par le peintre et enlumineur Robert Boyvin, figure dans un manuscrit de la fin du XVe siècle, orné de 24 enluminures dont 16 grandes miniatures. Ce Livre d’Heures à l’usage de Rouen (500-600 000 francs), l’un des plus beaux que Boyvin ait illustrés, peut être rapproché de ceux qui sont conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal et à la bibliothèque de Vienne, en Autriche. Dans son étude Le manuscrit enluminé à Rouen au temps du cardinal Georges d’Amboise, Isabelle Delaunay écrit : “Vers 1502, la rencontre avec l’enlumineur parisien Jean Pichore suscite un renouvellement de son travail. Ses figures prennent un peu plus de corps, il modèle de manière plus expressive ses visages et adopte parfois la vue à mi-corps”.

Autre livre d’heures d’une exceptionnelle fraîcheur, les Heures à l’usaige de Rome tout au long sans rien requerir (100-120 000 francs). Imprimé à Paris par Guillaume Anabat pour Gillet et Germain Hardouyn, il renferme une suite de vingt figures à pleine page gravées sur bois, dans de riches encadrements en forme de portique, dont quatre sont particulièrement remarquables : le martyre de saint Jean, l’arrestation du Christ, l’Annonciation et la Flagellation.

Cette vente éclectique comprend également un ouvrage plus tardif (1769) de Jacques Nicolas Bellin, Description géographique et historique de l’isle de Corse (40-50 000 francs), une étude exhaustive de l’île de Beauté, accompagnée de cartes et plans. Elle était destinée aux officiers de terre et aux marins, auxquels étaient proposés un précis historique des principales révolutions de la Corse, un portrait des habitants avec leurs mœurs et leurs coutumes, une étude du climat et une description géographique et routière. À noter aussi, dans un tout autre registre, une édition originale de Bossuet, Oraison funèbre de très-haute et très-puissante princesse Anne de Gonzague de Clèves, princesse Palatine, dans une reliure de deuil aux armes du prince de Condé (50-60 000 francs, et un exemplaire corrigé par Benjamin Constant de L’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne (25-30 000 francs). Ce violent pamphlet anti-napoléonien, paru à la fin de 1813, provient de la bibliothèque de Louis Barthou.

Une édition originale de Restif de la Bretonne
L’ouvrage de Jules Renard, Histoires naturelles, tiré à 100 exemplaires sur vélin et relié par Pierre Legrain, est illustré de 22 lithographies originales de Henri de Toulouse-Lautrec (200-250 000 francs). Il sera mis en vente avant L’Écornifleur (40-50 000 francs), un manuscrit autographe de l’auteur de Poil de Carotte, qui comporte de nombreux paragraphes barrés et mots superflus éliminés montrant sa volonté d’épurer son style. Très rare également, Monsieur Nicolas ou le Cœur humain dévoilé de Restif de la Bretonne, (100-120 000 francs), une édition originale comprenant 16 volumes brochés. Elle a été imprimée par l’auteur avec des caractères typographiques dont la grosseur varie suivant l’importance qu’il accorde au passage. Le tome 13 – Kalendrier – est une évocation, jour par jour, des centaines de femmes qu’il a connues. Les huit premiers tomes ont été tirés à 450 exemplaires, les huit derniers à 225. Dans la même veine, sera également proposé un exemplaire sur Chine d’un tirage unique à 40 exemplaires de neuf compositions très érotiques de Pascin (40-50 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : De Robert Boyvin à Pascin

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