L’Espagne à l’heure française

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 1016 mots

La Foire d’art contemporain de Madrid (Arco) met cette année la France à l’honneur. Galeries et artistes bénéficieront d’un accueil particulier dans un pavillon spécial. Le critique d’art et commissaire d’exposition Nicolas Bourriaud a sélectionné huit artistes de huit galeries, représentatifs selon lui de la production artistique française. Parallèlement, musées et centres d’art vont largement ouvrir leurs portes à la création hexagonale.

Le “Pavillon français”, situé à l’arrière du Pavillon 5 du Parc des Expositions Juan Carlos Ier de Madrid, s’étend sur plus de 1 000 m2. Il accueillera une sélection d’une vingtaine de galeries parisiennes les plus avant-gardistes, sélectionnées par Nicolas Bourriaud dans le cadre du programme “La France à Arco’99”. Une partie des espaces sera occupée par douze d’entre elles : Air de Paris, Art : Concept, Brownstone Corréard & Cie, Chantal Crousel, Chez Valentin, Jennifer Flay, Ghislaine Hussenot, Jousse Seguin, Claudine Papillon, Emmanuel Perrotin, Praz-Delavallade et Georges-Philippe et Nathalie Vallois. Ces dernières, installées dans différents quartiers de Paris (la rue Louise-Weiss, le Marais, la Bastille, Beaubourg, la Rive gauche), si elles représentent aussi des artistes issus des circuits internationaux, font surtout un important travail de promotion de la jeune génération française : Parreno, Blazy, Ramette, David, la Collection Yoon Ja & Paul Devautour, Veilhan, Laurette, Lecomte, Bourgeat, Salomone, Mogarra... À côté de ces stands traditionnels, huit artistes représentés par huit galeries exposeront dans le cadre des “Projects Rooms”, la partie la plus innovante de la foire. Chacun des créateurs a été invité à présenter un projet réalisé spécialement pour la manifestation. Ce secteur réunira Rebecca Bournigault (galerie Almine Rech), Claude Lévêque (galerie du Jour-Agnès B), Basserode (galerie Philip Nelson), Mathieu Briand (galerie Roger Pailhas), Art Keller (galerie Michel Rein), Bertrand Lamarche (galerie Le Sous-Sol), Bertrand Lavier (galerie Pietro Sparta) et Franck Scurti (galerie Anne de Villepoix). Il devrait permettre au public espagnol de découvrir ou de redécouvrir un ensemble représentatif d’artistes français disposant déjà d’une bonne reconnaissance dans leur pays, sans toujours avoir la même lisibilité au plan international. Dans le cadre des “parcours photographiques”, Arco a aussi lancé une invitation à des photographes. Ceux-ci réaliseront durant le salon des photographies dans lesquelles ils mettront en scène leur propre vision de la foire. Cette année, outre les Espagnols Gonzalo Puch, Jorge Galindo et Xavier Ribas, le programme s’adresse également à deux Français, Rebecca Bournigault et Bruno Serralongue, qui a déjà réalisé de nombreuses séries dans cette veine du reportage.

La présence française est renforcée par des tables rondes qui mettront en lumière certaines spécificités du marché et de la création dans l’Hexagone. Le critique d’art Nicolas Bourriaud dirigera un débat sur “la jeune création en France”, Jean-Pierre Criqui, rédacteur en chef des Cahiers du Musée national d’art moderne et inspecteur à la Délégation aux arts plastiques, sur le “collectionnisme”, et Catherine Grenier, conservateur au Musée national d’art moderne/Centre Georges Pompidou, sur “l’édition et l’art contemporain : problèmes et objectifs”.

Outre le Pavillon français, d’autres galeries parisiennes ou de province viendront défendre leurs artistes à Madrid : la BF.15, Lucien Durand Le Gaillard-Javogue, les Filles du Calvaire, la Galerie de France, Thessa Herold, Marwan Hoss, Yvon Lambert, Lelong, Nathalie Obadia, Yvonamor Palix, Catherine Putman éditions, Denise René, Sollertis, Daniel Templon et Michael Woolworth Publications.

La présence française dépasse même Arco, puisque de nombreux musées et centres d’art accueillent des créateurs de notre pays. Ainsi, le Musée national - Centre d’art Reina Sofía s’ouvre largement à la création hexagonale. Il présente la première grande rétrospective d’Annette Messager en Espagne, réunissant plus de quarante-cinq œuvres. La chorégraphe Emmanuelle Huyhn réalisera même une performance dans l’exposition, les 13 et 14 février à 13 heures. Parallèlement, Pierrick Sorin exposera dans le grand musée madrilène trois installations vidéo, Los Minornes, tandis que le vidéaste Robert Cahen y bénéficiera d’une rétrospective de ses créations déjà abondamment primées. Enfin, Jérôme Sans a sélectionné des films d’artistes qui seront projetés sur “Grand Écran”. Au programme, Didier Bay, Dominique Gonzalez-Foester & Ange Leccia, Markus Hansen, Pierre Huyghe, Georges Tony Stoll, Marie Legros, Rainer Oldendorf et Philippe Parreno. Jérôme Sans entend ainsi proposer au public espagnol quelques aspects de “la scène cinématographique”, dans un but “d’information et de formation”. Ailleurs, sous le titre “Jeux et simulacres”, Canal Isabel II, Agnès de Gouvion Saint-Cyr et Raphaël Doctor présenteront une sélection d’œuvres issues du Fonds national d’art contemporain, en privilégiant la photographie des années quatre-vingt-dix. On se souvient de “France, 3e génération”, organisée lors de l’Exposition universelle de Séville en 1992. Avec “France, une nouvelle génération”, Jean-Marc Prévost, directeur du Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart, propose quelques aspects de la jeune création en France, à l’initiative d’une association de collectionneurs privés. Des œuvres de Closky, Comte, Corpet, Elemento, Guilleminot, Hirschhorn, Huyghe, Hybert, Joseph, Jouve, Parreno, Pei-Ming, Pinaud, Salomone, Veilhan et Vigouroux seront exposées au Cercle des Beaux-Arts. De même, les étudiants en post-diplôme à l’École de beaux-arts de Nantes, accompagnés par Robert Fleck, montreront leurs travaux au Centre d’Art Joven de la Communauté de Madrid, tandis que Dominique Perrault présentera 34 projets de concours et 15 maquettes au ministère des Travaux publics. Enfin, deux artistes interviendront dans les rues mêmes de la capitale espagnole : Yann Kersalé y réalisera une installation lumineuse, et Pierre Joseph distribuera vingt et un personnages – Superman, Blanche Neige… – sur des panneaux Decaux.

La présence française ne se limite pas seulement à Madrid, elle s’étend un peu partout dans le pays. Ainsi, une partie de la collection d’art contemporain du Consortium de Dijon sera exposée au Centre andalou pour l’art contemporain, à Séville. Jean-Michel Othoniel présente une grande exposition de pièces en verre, ainsi que des actions, des performances et des vidéos à la Sala Rekalde de Bilbao. À Barcelone, Dominique Gonzalez-Foester interviendra dans le Pavillon Mies van der Rohe, et des artistes français viendront en résidence au Hangar Tallers de Santa Isabel, dans le cadre d’un programme d’échanges avec l’École des beaux-arts de Marseille. Enfin, plusieurs artistes français participeront à l’exposition “De coraz(i)on” montée à la Tecla Salla par Victoria Combalia et Joerg Bader. En définitive, l’Espagne va vraiment se mettre à l’heure française en ce début d’année.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : L’Espagne à l’heure française

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