La fin d’une guéguerre ?

Querelles autour du Musée Gustave Courbet à Ornans

Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 871 mots

Après des mois de conflit, le Conseil général du Doubs semble rechercher l’apaisement dans son différend avec la Société des Amis de Courbet. Mise en cause dans sa capacité à gérer le Musée Courbet à Ornans, l’association a finalement obtenu le versement de la subvention, mais le département ne semble pas s’accommoder de la présence du conservateur bénévole.

ORNANS - Assiste-t-on, au Musée Courbet d’Ornans, à la fin d’“une gué-guerre imbécile”, pour reprendre les termes du conservateur, Jean-Jacques Fernier ? Le versement de la subvention 1998 d’un montant supérieur à un million de francs et l’adoption d’une délibération acceptant un don de 30 000 dollars de la Fondation Florence Gould, après plus d’un an d’attente, manifestent la volonté d’apaisement du département, dans un conflit largement relayé par la presse régionale. Une opposition qui met en jeu la place de l’initiative privée dans la vie des musées en France.

Inauguré en 1973 dans la maison natale de l’artiste, ce musée associatif, créé à l’initiative du Comité Courbet et dirigé à l’époque par le peintre Robert Fernier, avait été donné avec ses collections à l’État, en 1976. Celui-ci l’avait à son tour cédé au département, à charge pour ce dernier d’en assurer l’entretien, tandis qu’un troisième acte, portant création d’un comité de gestion du musée, composé à parité d’élus et de membres de l’association, confiait la gestion, l’animation et l’enrichissement des collections à la Société des Amis. Le résultat de cette convention est un musée mi-départemental, mi-associatif.

À la mort du fondateur, en 1977, Jean-Jacques Fernier, architecte de son état, avait pris, à la demande de l’association, la tête du musée, de façon temporaire pensait-il. Il avait été officiellement nommé conservateur, l’ancienne loi sur les musées, élaborée au temps de Mérimée, donnant compétence aux architectes DPLG pour exercer cette fonction. Aujourd’hui, les ressources du musée (autour d’un million de francs) proviennent des cotisations (environ 50 000 francs), des expertises effectuées par M. Fernier (200 000 francs), et surtout des entrées (800 000 francs). Toute cette petite mécanique fonctionnait pour la plus grande satisfaction de tous, jusqu’à ce qu’un grain de sable ne vienne l’enrayer. En 1995, le directeur général des Services au Conseil général proteste, car du personnel payé par le département collecte de l’argent pour une association. En réponse, Jean-Jacques Fernier – qui assure sa charge bénévolement, en sus de son activité professionnelle – laisse entendre que, sans l’action de l’association, les agents départementaux ne collecteraient guère de droits d’entrée. Et il n’hésite pas à rappeler le bilan de son action depuis 1977. À l’époque, 3 à 5 000 personnes seulement visitaient le musée chaque année ; l’an dernier, ils étaient 30 000, “dans une ville qui n’est même pas desservie par le train”. L’organisation chaque été d’une exposition temporaire n’est bien sûr pas étrangère à cette affluence. Quant à l’enrichissement des collections, il a dépassé les espérances : le musée possède aujourd’hui 43 peintures, dont l’Autoportrait à Sainte-Pélagie, La jeune fille au chevreau et Le château de Chillon, quatre des six sculptures réalisées par l’artiste, ainsi que des dessins, des lithographies, et surtout 150 lettres et des photographies.

Toutes ces considérations n’ont pas empêché l’an dernier le passage de la caisse et de la recette en régie départementale. Ce qui a permis jusqu’à aujourd’hui au département de retenir les sommes dues. Un autre grief plus ou moins implicite sous-tendait l’offensive du Conseil général : il dénie à l’association, et plus particulièrement à M. Fernier, le droit et la capacité de gérer le musée. En faisant appel à l’Inspection générale des musées pour trancher le litige, le conservateur reconnaît avoir commis une erreur : “J’ouvrais grand la porte au monde de l’Administration au détriment de l’initiative privée.” Les inspecteurs rendent un rapport mitigé. Bien qu’ils n’aient relevé qu’une insuffisance sérieuse – le non-respect des formes pour l’inventaire –, ils n’hésitent pas à conclure : “Assez d’amateurisme ! Du professionnalisme !”

On a changé les serrures
Il est également reproché au musée d’avoir accepté un don, sans avoir demandé l’avis de la Commission des musées de province. Mais “fera-t-on l’affront à cette dame suisse qui offre un tableau de Courbet de patienter avant de l’offrir qu’une commission se soit prononcée ?”, s’insurge Jean-Jacques Fernier. Il est vrai que certaines pesanteurs administratives ont de quoi décourager les bonnes volontés.

Mais le pire restait à venir : un beau jour, toutes les serrures ont été changées, interdisant au conservateur l’accès à son bureau et aux archives. Las de ces tracasseries, et sentant que sa personne cristallise l’animosité du département, ce dernier a proposé sa démission en juillet. L’association l’a refusée mais, dans un souci d’apaisement, a désigné de nouveaux président et vice-président. Toutefois, pour faire bonne mesure, elle aimerait associer un autre partenaire à la gestion du musée, à savoir l’Académie des beaux-arts. De son côté, le Conseil général semble soucieux de mettre fin à cette querelle de clocher, nuisible au rayonnement du musée : “Nous n’entendons pas aller contre ce qui est signé”, nous a déclaré Jean-François Longeot, maire d’Ornans, en se référant à la convention de 1976. Mais il précise aussitôt que “rien ne s’oppose à la coexistence d’un conservateur à plein temps au musée et d’un conservateur extérieur s’occupant de la promotion”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : La fin d’une guéguerre ?

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