Ces obscurs objets du design

Histoire d’eau

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 mars 1999 - 381 mots

Elle bascule, revient et recommence, dans un mouvement de balancier répété, comme si elle ne savait plus sur quel pied danser. Elle rebascule puis revient, avant de s’immobiliser et de finalement rester en carafe. Le Monde bouge porte assurément bien son nom, jusqu’à nous en mettre l’eau à la bouche.

Avis de tempête dans les verres d’eau : une nouvelle carafe vient de faire son apparition dans les chaumières. Ses formes organiques, sobres et harmonieuses, en un mot “radical-chic”, s’intègrent parfaitement dans un intérieur contemporain discret et sophistiqué. Ici pourtant, le cristal a cédé la place à une matière plus rustique, puisque Le Monde bouge est en étain, métal parfaitement adapté à un usage alimentaire et qui, cerise sur le gâteau, ne s’oxyde pas. Brossé ou poli, au choix, cet objet d’ordinaire si simple donne une nouvelle saveur à l’eau du robinet. Et c’est vrai : l’étain rallume la table. Pire, on a sans cesse envie de jouer avec cette carafe, de lui redonner une impulsion pour qu’elle opère son lent mouvement de va-et-vient qui rappelle celui du balancier des horloges d’antan. On en viendrait presque à mettre plus volontiers de l’eau dans son vin.

Les carafes ont souvent peu d’intérêt esthétique et ne semblent pas avoir beaucoup inspiré les designers. Tel n’est pas le cas de Jean-Baptiste Sibertin-Blanc, le père du Monde bouge. Ébéniste et marqueteur à l’École Boulle, il est diplômé de l’École supérieure de création industrielle-Paris. Cet ancien collaborateur de l’architecte Ricardo Bofill enseigne aujourd’hui le design à Reims. Il mène également un programme de mise en valeur de l’identité culturelle des peuples lointains en faisant tout un travail sur l’objet. Il forme ainsi des artisans de l’île Maurice, de Madagascar ou d’Indonésie. Travaillant à Paris, il a notamment réalisé des créations originales pour Christofle et Puiforcat.

Le Monde bouge, certes, mais les grands idéaux restent, comme celui de vivre d’amour et d’eau fraîche. Loin d’un côté “histoire à l’eau de rose” baroque et précieux, la création de Jean-Baptiste Sibertin-Blanc sait rester modeste pour remplir sa fonction essentielle : nous désaltérer. Bref, nous avons ici affaire à une carafe de la plus belle eau.

Jean-Baptiste Sibertin-Blanc, Le Monde bouge, carafe en étain poli ou brossé, éditions Arcodif - Musée des arts décoratifs, fabriqué par Goardère, 1 800 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°78 du 5 mars 1999, avec le titre suivant : Histoire d’eau

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