Giuseppe Rossi célébré

Mais le gouvernement italien bloque 23 lots

Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 894 mots

Tout ce que l’Europe compte de chic et de « glamour » s’est retrouvé à Londres chez Sotheby’s, les 10, 11 et 12 mars, pour la dispersion des 1 700 lots de la collection de Giuseppe Rossi (1914-1989). La vente, dont le produit a dépassé les 21 millions de livres sterling (plus de 207 millions de francs), soit près du double de l’estimation de Sotheby’s, a connu un succès retentissant.

LONDRES (de notre correspondante) - Réunissant du mobilier français et italien et des arts décoratifs, la collection avait été rassemblée par le marchand turinois Giuseppe Rossi. Issu d’un milieu modeste, il avait l’œil exercé et un remarquable sens des affaires. Il ne s’agissait pas d’une collection de chefs-d’œuvre, bien qu’une vingtaine d’objets de provenance royale soient proposés, et seul un lot avait une estimation basse supérieure à 200 000 livres. Vingt-cinq pour cent des œuvres étaient italiennes, le reste étant constitué principalement de mobilier et d’arts décoratifs français. Le mobilier italien, dont certaines pièces très rares, provenait en grande partie du Piémont, des régions de Venise et de Gênes.

Bien qu’ayant accordé des permis d’exportation pour toutes les œuvres mises en vente, le gouvernement italien est intervenu le matin de la première vacation pour demander un délai de 35 jours afin de vérifier la licence de vingt-trois lots. Il s’agissait principalement d’œuvres italiennes de provenance royale, mais sans que celles-ci soient forcément importantes ou que d’autres, plus significatives, figurent déjà dans les collections publiques italiennes. Sotheby’s a donc distribué dans la salle une notice d’information, minimisant les conséquences de cette décision et assurant à ses clients que les licences d’exportation seraient maintenues. Quoi qu’il en soit, la nouvelle n’a en rien affecté les prix.

Une table attribuée à Pietro Piffetti
La compétition a été féroce pour les grandes œuvres documentées de provenance royale, qui ont toutes doublé, voire triplé leurs estimations, pourtant assez élevées. La pièce vedette (lot 45) était une table en bois de tulipier incrusté d’ivoire, attribuée au célèbre Piémontais Pietro Piffetti, ébéniste royal à la cour de Charles Emmanuel III. Appartenant à la collection royale, elle avait été acquise en 1961 auprès de la princesse Marie Gabrielle de Savoie. De forme particulièrement élégante, son plateau était marqueté d’un treillage en trompe-l’œil, entouré d’une frise de nœuds de Savoie. Ces qualités lui ont permis de tripler son estimation à 342 500 livres (3,36 millions de francs), au profit d’un enchérisseur au téléphone. Un somptueux miroir néoclassique (lot 74) ciselé et doré, attribué à un autre grand ébéniste piémontais, Bonzanigo, provenait directement de la collection du roi Umberto II et avait acheté par Giuseppe Rossi en 1974 chez Christie’s à Genève. Il a doublé son estimation à 166 500 livres (1,63 million de francs).

Une petite table piémontaise peinte (lot 28), dotée de lignes gracieuses et en bon état de conservation, a fait sensation en partant à 78 500 livres, contre une estimation de 12-18 000 livres, tandis qu’un ensemble de quatre fauteuils piémontais dorés et peints, moins exceptionnels car fraîchement retapissés, faisait 265 500 livres, contre une estimation de 60-80 000 livres.
La collection était cohérente mais comportait peu de pièces de grande valeur. En revanche, de nombreux petits meubles et objets d’art ont vu leurs prix très fortement soutenus par des enchérisseurs privés.

Le mobilier français
La vacation du 11 mars a été moins frénétique ; les marchands italiens étaient absents et les Français ne sont pas venus en nombre. Une fois encore, malgré les restaurations, des prix très élevés ont été atteints et peu de lots sont demeurés invendus. En vedette (lot 727), une commode laquée ornée de bronzes dorés, estampillée M. Criaerd, qui, comme plusieurs des très belles pièces proposées, avait été acquise auprès de Marcel Bissey à Paris. Bien que non restauré, le meuble était en parfait état de conservation et ses bronzes magnifiques. Il aurait été commandé par le duc de Luynes pour le château de Dampierre, vers 1740-1745. Cette provenance a sans nul doute joué en sa faveur : la commode a été adjugée 397 500 livres (près de 4 millions de francs), contre une estimation de 100-150 000 livres.

La plupart des porcelaine montées, dont aucune n’était particulièrement remarquable, ont doublé ou triplé leurs estimations. La bataille a été rude pour les pièces très décoratives et colorées, en porcelaine montée sur bronze et étain.

Les objets d’art se sont également très bien vendus, bien qu’aucune pièce n’ait été exceptionnelle et qu’il s’agisse d’un marché beaucoup plus restreint. Parmi les plus importants, un plateau de Sèvres de 1775 avec de magnifiques décorations chinoises (lot 399) provenait d’un service à thé dont seuls quatre exemplaires sont répertoriés – l’un a été exécuté pour Louis XVI, et deux pour ses tantes. Estimé 4-6 000 livres, il a été acheté 24 150 livres par le marchand londonien Adrian Sassoon.

Les faïences italiennes, notamment turinoises, ont eu les faveurs des marchands et des collectionneurs italiens – la plupart ont doublé leurs estimations –, car de telles pièces sont rares sur le marché. Les fleurs en porcelaine de Vincennes, que Giuseppe Rossi avait achetées pour remplacer des pièces endommagées ou manquantes, sont parties à une vitesse surprenante, les grands marchands n’ayant pas hésité à enchérir très haut. Un ensemble de vingt-quatre fleurs a ainsi été adjugé 24 000 livres.

Les bénéfices de la vente seront reversés en totalité à des œuvres de bienfaisance.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Giuseppe Rossi célébré

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