Mariage réussi, par Toutatis

Quand se mêlaient dieux romains et divinités gauloises

Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 502 mots

Après le Musée Henri Prades à Lattes, le Musée des antiquités nationales se penche sur un sujet complexe et passionnant : les dieux gaulois. Une centaine de sculptures sur pierre ou en métal, d’ex-voto, de terres cuites, d’autels et de laraires dressent un instantané du « panthéon » de nos ancêtres et mettent en évidence d’importants phénomènes d’acculturation, sous la domination romaine.

SAINT-GERMAIN-EN-LAYE - “Mercure est le Dieu que les Gaulois honorent le plus. Après lui, Apollon, Mars, Jupiter et Minerve”, note César dans sa Guerre des Gaules. Si les textes ne nous renseignent guère sur les divinités gauloises d’avant la conquête – écrits par des Romains, ils reflètent leurs catégories religieuses ou servent leur propagande politique –, l’archéologie n’est pas plus parlante. Peu d’effigies remontent au-delà du milieu du Ier siècle av. J.-C., et il n’est pas certain qu’elles représentent des dieux. Avant d’entrer dans l’aire d’influence romaine, les divinités autochtones étaient, semble-t-il, des entités abstraites. Le contact avec leurs consœurs latines les auraient métamorphosées, tout en leur offrant des modes d’expression neufs ou développés comme jamais auparavant, telles l’écriture et la statuaire.

L’union d’Apollon et de Sirona
Autour de ce sujet complexe, le Musée des antiquités nationales a rassemblé une centaine de pièces qui privilégient la description du “panthéon” indigène et abordent la question de la représentation divine. Quatre bustes de pierre, trouvés dans un contexte d’habitat aristocratique, et des figures de guerriers illustrent les effigies qui étaient sculptées avant la conquête. Rien ne permet de dire s’il s’agit d’ancêtres, de héros mythologiques ou de dieux. Ces derniers ne revêtent un corps, un visage et des attributs identifiables qu’à partir de l’époque impériale. D’ailleurs, lorsque leurs noms sont consignés dans la pierre, c’est souvent en latin et parfois comme épithètes de dieux romains. Une patère découverte dans un sanctuaire près de Châteaubleau, en 1990, porte ainsi une dédicace “à l’auguste Mercure Solitumarus”. Ce syncrétisme amène aussi les artisans à marier divinités gauloises et romaines, tels le célèbre Pilier des Nautes (évoqué par une série de documents) ou ce gracieux couple en bronze d’Apollon et Sirona.

Même dans le cas de dieux typiquement gaulois, le vocabulaire formel reste d’inspiration classique. Le caractère celtique de la Triade des déesses-mères de Vertault réside surtout dans le triplement de la représentation. D’autres détails iconographiques permettent de distinguer les divinités indigènes de leurs comparses romaines, comme la présence du collier torque, la position assise, souvent en tailleur, l’association avec des bêtes, voire les traits animaux. Au terme de sa visite, le public saura identifier les principales figures du panthéon gaulois : Sucellus, le dieu au maillet, Epona, la déesse des chevaux, Cernunnos aux bois de cerf, ou encore le taureau tricornu. Mais l’aspect le plus marquant de l’exposition reste sans doute la synthèse entre deux civilisations, qui donne tout son sens au terme gallo-romain.

À LA RENCONTRE DES DIEUX GAULOIS

8 avril-28 juin, Musée des antiquités nationales, Saint-Germain-en-Laye, tél. 01 39 10 13 21, tlj sauf mardi 11h-17h15 pour les visites individuelles. Catalogue 152 p., 150 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Mariage réussi, par Toutatis

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