Frank Gehry déborde de projets

Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 859 mots

Si Frank Gehry a fêté ses 70 ans le 28 février, son carnet de commandes ne désemplit pas, grâce au succès du Guggenheim de Bilbao. Et les musées ne sont pas les seuls à solliciter ses services, puisqu’il conçoit aussi bien un hôpital spécialisé dans les thérapies alternatives à San Francisco qu’une université près de New York, ou l’aménagement des abords du canal de Panama. Une imposante monographie, Frank O. Gehry : the complete works (Monacelli Press, New York, 1998), présente près de 250 projets, fruits d’une carrière de quarante ans. Quatre musées figurent dans cette somme.

SANTA MONICA - L’un des quatre musées conçus par Frank Gehry et inclus dans sa monographie devrait bientôt ouvrir ses portes à Seattle, dans l’État de Washington : l’Experience Music Project. Commandé par Paul Allen, ami du fondateur de Microsoft, Bill Gates, ce bâtiment de 10 220 m2 a pour mission de célébrer la créativité et l’innovation propres à la musique et à la culture populaires américaines. Comme le souligne Gehry, son client voulait un bâtiment “mordant” : “Je n’avais jamais entendu ce terme utilisé en architecture”. Il a imaginé les courbes et les couleurs pour cet espace de la taille d’un entrepôt, ainsi que l’extérieur du bâtiment, le hall d’entrée, le restaurant, la librairie et les bureaux, tandis que les espaces d’exposition de 3 250 m2 ont été réalisés par des spécialistes du design d’intérieur, tel Digital Domain. “Il est comme tous les musées installés dans un ancien entrepôt, sauf que celui-ci est installé dans un entrepôt curviligne. On se croirait dans un studio de tournage à Hollywood”, constate Gehry.

L’architecte travaille également sur un autre projet relatif à la culture populaire : le Schmidt Museum, qui sera construit à Elizabethtown, dans le Kentucky. Le client est un fabricant local de bouteilles de Coca-Cola, et le musée abritera sa collection de souvenirs liés à la célèbre marque de sodas. Le budget devrait avoisiner les 30 millions de dollars, soit moins du tiers du budget de Bilbao. “J’ai plus de liberté que dans la réalisation du bâtiment de Seattle. Je suis à présent dans une logique de liberté, et j’utilise les couleurs comme le ferait un peintre, ce que j’avais envie d’expérimenter depuis longtemps”, confie Gehry.

Une sculpture à la Chamberlain
Le design pourrait bien créer un choc aux habitants de cette petite ville. Dans l’état actuel du projet, l’architecte décrit le bâtiment comme “une sculpture gigantesque de John Chamberlain”, ou encore “une canette de Coca écrasée”. Il a accepté cette commande, assez inhabituelle, après avoir reçu une lettre passionnée dans laquelle le fabricant de bouteilles exprimait toute son admiration pour son travail. En outre, cet ensemble de souvenirs l’a fasciné : “Dès que l’on regarde cette collection, on trouve une bouteille ou un distributeur de boissons, ou encore un panneau publicitaire que l’on a connus quand on était petit. Tous ces souvenirs remontent. C’est un peu comme Henry Ford. L’évolution de notre pays a toujours été accompagnée d’une bouteille de Coca.” Mais le bâtiment ne ressemblera pas à une bouteille de Coca. Pour l’intérieur, Gehry a imaginé un aménagement qui rappellera une maison de poupées, avec des petites pièces visibles grâce à la suppression d’une paroi, dans le style du Soane Museum. Depuis le centre, les visiteurs pourront voir les pièces illustrant l’évolution de Coca-Cola au cours de l’histoire.

Gehry a aussi accepté un projet pour la réalisation d’un musée à Biloxi, dans le Mississippi, consacré à l’œuvre de George E. Ohr, “le céramiste fou de Biloxi”. Natif de cette ville et décédé en 1917, Ohr a travaillé la glaise de sa région pour créer des formes emmêlées et fripées, qui pourraient avoir influencé les lignes des plans et des bâtiments conçus par l’architecte. À la fin de sa vie, Ohr vendait des Cadillac. La production de l’artiste méconnu est restée enfermée dans son atelier jusqu’en 1968, lorsqu’un antiquaire a acquis 7 000 œuvres pour 50 000 dollars, revendues ensuite à des collectionneurs new-yorkais et à des artistes de renom, tels Andy Warhol et Jasper Johns. Depuis, différents musées et galeries ont rendu hommage à Ohr. “Avant de devenir architecte, j’étais céramiste, plutôt mauvais, je dois le reconnaître”, reconnaît Gehry, admirateur de l’œuvre de George Ohr. Son musée sera construit sur le site même de l’atelier de l’artiste, actuellement occupé par un parking. Il sera relié à la case d’un esclave noir acheminée sur le site. Le coût du projet, pour l’instant à l’état de plans, s’élève à huit millions de dollars. Les partisans du musée espèrent que la renommée de Frank Gehry les aidera à ramener à Biloxi certaines des œuvres dispersées de George Ohr.

Quant au futur Musée Guggenheim qui devrait s’élever sur les rives de l’Hudson (lire le JdA n° 78, 5 mars), il réunirait trois institutions en une : un musée traditionnel et un centre d’exposition pour les nouveaux média, un complexe consacré aux arts du spectacle, et un musée de l’architecture et du design. Si la forme du bâtiment reste à déterminer, le site n’ayant pas encore été choisi, Gehry estime que le coût de la construction n’atteindra pas les 700 millions de dollars déjà annoncés.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Frank Gehry déborde de projets

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