Volontairement inachevé

François Seigneur ou l’optimisme de la disparition

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 16 avril 1999 - 587 mots

L’Institut français d’architecture présente des travaux de François Seigneur, qui s’attache à fusionner architecture, peinture, sculpture, scénographie en une démarche sensible, dépourvue de tout préjugé et volontairement inachevée.

PARIS - Il règne comme un parfum d’absence, comme une attente. “Pour ne pas mourir, je ne finirai jamais ma maison. Pourquoi finir celle des autres”, affirme François Seigneur. Affirme et affiche puisque la phrase occupe un pan de mur dès l’entrée de l’exposition. On la retrouvera tout au long de la visite, formulée différemment, formalisée diversement.

Curieux personnage que François Seigneur, issu de l’École Boulle et de celle des Arts décoratifs, devenu architecte sur le tard, en 1992 et qui, néanmoins, depuis plus de vingt ans, est associé à un nombre certain des projets phares qui ont jalonné l’histoire immédiate de l’architecture, de l’Institut du monde arabe, en compagnie de son vieux complice Jean Nouvel, jusqu’au Pavillon français de l’Exposition universelle de Séville dont il a conçu l’élément majeur, le grand écran au sol, réceptacle et “haut-voyeur” de ses plus fulgurantes manifestations.

On imagine, dès lors, une exposition tirée au cordeau, presque glacée et où l’acier et le verre s’exposent en majesté. On débarque plutôt dans une esthétique à la Deschiens/Deschamps. Un joyeux foutoir, une énorme maquette approximative qui, de loin, ressemble à une sorte de Centre Pompidou revisité par une bande de joyeux drilles pré-adolescents. Il s’agit pourtant là du grand projet, du grand œuvre souhaité par François Seigneur, son “Voitures à tous les étages”, sorte de rêve utopique tout droit issu du virage entre les années soixante et soixante-dix et qui, par la grâce d’un ascenseur spécifique, ferait de la voiture de chacun – voulue “propre” par Seigneur – un élément du mobilier de chaque habitant. Dans l’exposition, les projets défilent, plus ou moins aboutis, allant de la réhabilitation du château médiéval de Foix jusqu’au percement du tunnel du Somport, en passant par le théâtre antique d’Arles, le Musée des chemins de fer de Mulhouse, ou encore les “espaces délaissés” de Marseille...

Souvent, les expositions d’architecture semblent être faites pour les “professionnels de la profession”. Seigneur a cherché à éviter le côté savant et exclusif d’une trop grande spécialisation. Les maquettes où s’accumulent les clins d’œil en forme de boîte de Ricoré ou de canettes de bière en sont certes une manifestation, mais l’émotion naît moins de cet humour un peu forcé, de ce “bricolage” voulu, que de la fragilité, de l’hésitation, de l’incertitude constante – mais compensée par une féroce conviction – qui s’affichent tout au long du parcours et donnent, au fond, une image assez exacte de sa pratique architecturale, nourrie de l’optimisme de la disparition.

François Seigneur est également un immense scénographe, bien que, parfois, il s’en défende. Là, rue de Tournon, le spectaculaire s’est effacé au profit de la proximité. Chacun de ses projets est accompagné d’une sorte de petit fascicule qui en dévoile la philosophie, en décline les intentions, en projette le devenir. Le côté “griffonné”, “aléatoire”, de l’exposition illustre à merveille le précepte énoncé par Seigneur : “installer une réelle force plastique avec une esthétique faible”.

Et, au sortir de l’exposition, reste moins en mémoire une litanie de bâtiments, de projets, de scénographies qu’une succession d’impressions : les griffures de Belfort, les éoliennes d’Azincourt, les voilures de Nantes, les lumières de Meymac, les mâts de Marseille, ou encore le grand vent de Saint-Nazaire...

FRANÇOIS SEIGNEUR

Jusqu’au 29 mai, Institut français d’architecture, 6 rue de Tournon, 75006 Paris, tél. 01 46 33 90 36 tlj sauf dimanche et lundi 12h30-19h, entrée libre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Volontairement inachevé

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