Monet en son jardin

L’ensemble le plus important de nymphéas jamais réuni

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 14 mai 1999 - 612 mots

Quatre-vingt ans après la lettre de Claude Monet à Georges Clemenceau annonçant sa volonté d’offrir à la France un ensemble de peintures, « Le cycle des Nymphéas » au Musée de l’Orangerie rappelle ce geste généreux en rassemblant une soixantaine de tableaux autour du célèbre décor. Cet événement prélude à d’importants travaux de transformation.

PARIS - Les glycines de Monet et le buste de Clemenceau par Rodin à l’entrée de l’exposition avertissent de l’importance de l’événement : les Nymphéas sont une affaire d’État. De la lettre du 12 novembre 1898 à l’installation définitive des toiles dans les lieux, en 1927, le peintre et le “Tigre” feront front commun.

En 1893, Claude Monet, alors âgé de 53 ans, fait réaliser dans sa propriété de Giverny un “jardin d’eau” ovale, orné de plantes aquatiques, dont des nénuphars blancs, les fameux nymphéas. Pendant trente ans, le peintre ne cessera de revenir autour de ce lac artificiel, réalisant près de trois cents tableaux sur ce motif. Cette obsession, fortement ressentie dans l’exposition – sentiment renforcé par des cimaises bleues ou mauves –, est déclinée à travers une soixantaine d’œuvres présentées chronologiquement dans les différentes salles, et quelques documents regroupés dans une même pièce. Des premiers Nymphéas de 1897, que Monet percevait déjà comme point de départ pour “une pièce circulaire dont la cimaise, en dessous de la plinthe d’appui, serait entièrement occupée par un horizon d’eau taché de ces végétations...”, aux tableaux de chevalet de 1917-1926, la démonstration est claire : le point final de ce cycle, voire sa raison d’être, ce sont les Nymphéas de l’Orangerie.

Dans les lieux depuis 1927, ils sont aujourd’hui accompagnés d’autres grands projets décoratifs, comme l’imposant triptyque conservé à New York, le Bassin aux nymphéas, reflets de nuages peint parallèlement aux toiles de l’Orangerie. La visite des deux salles ovales bénéficie bien évidemment de la vision préalable de toiles peintes sur le même thème. De l’ensemble décoratif émane un calme absolu ; exécuté en partie pendant la guerre, il laisse la violence et le désespoir d’un peintre perdant la vue aux “tas de choses différentes” exposées juste au-dessus, tel ce Coin du bassin aux nymphéas aux couleurs rougeoyantes et à la facture nerveuse.

Dernières fleurs avant fermeture
Cette exposition, rendue possible par le départ de la collection permanente, apporte un éclairage bienvenu sur une œuvre qui semble trop connue. Dès sa clôture, l’Orangerie fermera pendant deux ans pour d’importants travaux. Estimés à 78 millions de francs et financés en partie par des expositions temporaires autour de la collection Walter-Guillaume, ils permettront aux Nymphéas de retrouver leur cadre d’origine. En effet, si les toiles marouflées avec de la colle de céruse n’ont jamais bougé, les salles qui les abritent ont connu de nombreuses modifications. Pierre Georgel, conservateur du musée, explique que “la lumière zénithale naturelle, obstruée dans les années soixante, va être rétablie, ainsi que le vestibule qui avait été voulu par Monet, à l’entrée des salles. Vitré sur deux côtés, il ouvre au nord sur le jardin et au sud sur la Seine, plaçant les Nymphéas entre l’eau et la nature”. Le premier étage sera donc supprimé, et de nouveaux espaces creusés le long de la façade nord pour loger la collection Walter-Guillaume de façon plus satisfaisante. Un espace pour des expositions temporaires sera en outre aménagé. Plus prosaïquement, le Musée de l’Orangerie, troisième musée le plus visité de la capitale, sera enfin doté des infrastructures nécessaires à tout établissement de ce type : cafétéria, librairie, hall d’accueil...

MONET, LE CYCLE DES NYMPHÉAS

Jusqu’au 2 août, Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, 75001 Paris, tlj sf mardi 10h-20h, lundi 10h-21h, réservation obligatoire de 10h à 13h au 08 03 80 88 03.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°83 du 14 mai 1999, avec le titre suivant : Monet en son jardin

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