Grotte Chauvet : le procès d’une administration

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 28 mai 1999 - 545 mots

À qui appartiennent les droits d’exploitation de la grotte Chauvet, ornée de plus de trois cents peintures rupestres considérées comme les plus vieilles du monde (32 000 ans) ? En examinant la plainte déposée par
Jean-Marie Chauvet contre trois fonctionnaires, dont l’ancienne directrice du Patrimoine, pour « faux en écritures publiques » et « usage de faux », le tribunal tranchera incidemment ce litige. Verdict le 18 juin.

LYON - La belle histoire de la découverte de la grotte Chauvet, ornée de fabuleuses peintures rupestres plus anciennes et plus nombreuses que celles de Lascaux, a tourné au vinaigre quand le ministère de la Culture a refusé à Jean-Marie Chauvet, l’“inventeur” du site, l’exploitation de ses photographies, en s’appuyant sur une autorisation de prospection antidatée. Saisi par Jean-Marie Chauvet et ses deux amis spéléologues, Éliette Brunel et Christian Hillaire, d’une plainte en “faux en écritures publiques” et “usage de faux” contre Jean-Pierre Daugas, conservateur régional de l’Archéologie, Patrice Béghain, à l’époque directeur de la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) en Rhône-Alpes, et Maryvonne de Saint-Pulgent, alors directrice du Patrimoine au ministère de la Culture, le tribunal correctionnel de Lyon a entendu les parties le 10 mai.

Agent technique de surveillance au ministère de la Culture, Jean-Marie Chauvet avait effectué sa trouvaille le 18 décembre 1994, à la Combe d’Arc en Ardèche, durant son temps de loisir, mais, pour obtenir le remboursement des frais engagés, avait reçu, courant janvier 1995, des services de la Drac, une autorisation temporaire de prospection archéologique datée du 14 décembre 1994, soit quatre jours avant la découverte effective de la grotte. Or, si la loi prévoit qu’en cas de découverte fortuite, les droits d’exploitation des images du site appartiennent aux découvreurs, ils sont en revanche transférés à l’État dans le cadre d’une prospection autorisée par l’administration.

“Ce document a été établi dans le cadre d’un plan totalement concerté à l’intérieur du ministère de la Culture pour dénier leur qualité d’inventeurs” aux trois spéléologues et les priver ainsi de leurs droits sur l’exploitation des images de la grotte, a estimé leur avocat. Pour Jean-Pierre Daugas, “cette autorisation ne viendrait pas dénier des droits à M. Chauvet ni à l’époque ni maintenant”. “C’était une mesure à caractère positif qui a été prise à la fois dans l’intérêt de quelqu’un et dans l’intérêt de l’État pour éviter que cela fasse désordre”, a indiqué de son côté Patrice Béghain. Selon lui, il était anormal qu’un agent de l’État ne dispose pas d’une autorisation, vis-à-vis notamment des propriétaires du terrain.

Maryvonne de Saint-Pulgent, qui est retournée depuis au Conseil d’État et avait bataillé au ministère de la Culture pour défendre les droits de l’État sur la grotte, ne démord pas de sa position intransigeante : la propriété des photos, et donc les droits d’exploitation, reviennent à l’État en raison de “la qualité de fonctionnaire” de M. Chauvet. Mais “sanctionner quelqu’un qui découvre un tel trésor, c’est une catastrophe”, a déclaré Jean Clottes, responsable scientifique des fouilles dans la grotte, faisant allusion aux pressions dont Jean-Marie Chauvet a fait l’objet de la part de son administration.
Relativement clément, le procureur a requis contre les fonctionnaires de la Drac entre 5 000 et 10 000 francs d’amende, laissant à l’appréciation du tribunal le cas de Maryvonne de Saint-Pulgent.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : Grotte Chauvet : le procès d’une administration

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