Antibes s’accroche à ses Hartung

Le Journal des Arts

Le 28 mai 1999 - 584 mots

Les œuvres confiées par la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman au Musée Picasso d’Antibes vont-elles quitter les lieux ? Alors que des dons et dépôts avaient été consentis en 1995, à la condition que le musée se dote d’une annexe dans les deux ans, ce bâtiment n’a toujours pas vu le jour. La Fondation réclame la restitution de ses œuvres.

ANTIBES - Depuis le mois d’avril, la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman est en conflit ouvert avec le Musée Picasso, musée municipal de la Ville d’Antibes. Forte de la plus grande collection d’œuvres d’Hartung et de son épouse, la Fondation, créée en 1994, est installée depuis dans l’ancien atelier du couple, situé sur les hauteurs d’Antibes. Elle met son fonds à la disposition d’expositions et finance des recherches sur le travail des artistes. Accessible aux chercheurs et aux étudiants, il est évident que la collection avait besoin d’un espace d’exposition. La création d’un musée avait d’ailleurs été évoquée par le couple, alors lié avec le maire d’Antibes, Pierre Merli.

Le 25 avril 1995, une convention est passée entre la Fondation et la mairie d’Antibes, qui a “pour objet de permettre au Musée Picasso à Antibes de présenter dans ses locaux actuels, et dans ceux de “l’espace Hans Hartung et Anna-Eva Bergman”, un ensemble significatif de l’œuvre des deux artistes”. Le musée reçoit des dépôts illimités et une donation de 107 pièces. En contrepartie, la municipalité est chargée de construire une extension “dont l’ouverture sera assurée par la Ville d’Antibes dans un délai de deux ans”. En 1997, le bâtiment n’étant toujours pas construit, Daniel Malingre, président de la Fondation, envoie à la municipalité une lettre pour lui signifier le manquement à ses obligations. Le conseil d’administration de la Fondation accepte le principe d’un délai supplémentaire de cinq ans. Une nouvelle convention doit donc être signée, ce qui n’a jamais été fait, les deux parties se renvoyant la responsabilité de ce désaccord. Dix-huit mois plus tard (délai prévu par la convention), le 25 novembre 1998, François Hers, directeur de la Fondation Hartung, par ailleurs responsable de la culture à la Fondation de France, demande la restitution des œuvres. Le maire refuse de les rendre. Maurice Fréchuret, conservateur du Musée Picasso, estime que “tout au plus, nous avons pris du retard ; nous en sommes à la troisième phase du concours pour la réalisation du bâtiment, cela ne nous paraît pas être un manquement à la clause”. Pour la mairie d’Antibes, la convention n’est donc pas caduque, d’autant qu’elle adresse des reproches à la Fondation. M. Fréchuret cite ainsi une lettre d’octobre 1996 dans laquelle la Fondation exprime sa décision de déposer pour cinq ans à la Tate Gallery une œuvre qui figure dans les dépôts illimités faits au musée, sans l’accord de ce dernier. Là aussi, les avis divergent : M. Hers déclare “que tant que le bâtiment n’est pas construit, donations et dépôts ne sont pas effectifs”. M. Fréchuret entend le contraire, jusqu’à preuve de la caducité du contrat. Pour lui, “la Fondation a changé ses projets et entend pour ce faire récupérer ses œuvres”.

Pour François Hers, la situation est claire, “aucune convention ne lie plus Antibes et la Fondation depuis octobre 1998”, et les œuvres doivent être rendues. Toutefois, il appelle de ses vœux une collaboration avec la Ville, respectant ainsi la volonté du peintre. Regrettant la tournure des événements, il souhaite une meilleure entente entre privé et public, citant en exemple “l’Espagne et ses Fondations, comme Tàpies ou Miró”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : Antibes s’accroche à ses Hartung

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