La vie en pleines formes

Art et danse au Musée Fesch d’Ajaccio

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 517 mots

Haut lieu de la peinture baroque italienne, le Musée Fesch d’Ajaccio semble a priori bien loin de l’univers de recherche des artistes et des danseurs américains des années soixante et soixante-dix de notre siècle. Pourtant, avec l’exposition « Life/Forms (Vita/Formae) », se crée une alchimie entre les tableaux anciens et les pièces de Vito Acconci, Merce Cunningham, Dan Graham, Robert Morris, Bruce Nauman et Yvonne Rainer, qui se retrouvent dans des analyses croisées de l’espace et du corps.

AJACCIO - Dans la cour du Musée Fesch se dresse une austère construction en contre-plaqué, qui propose pour toute ouverture l’entrée d’un couloir. Le visiteur est invité à se glisser dans ce boyau, à en parcourir les méandres, à voir son corps complètement asservi à cet espace restreint. Cette pièce de Robert Morris, Untitled (Labyrinth), constitue une bonne entrée en matière pour l’exposition “Life/Forms (Vita/Formae)”, qui entend notamment “montrer au public comment ces artistes, en intégrant dans leur pratique de la performance des formes, des procédés et des interrogations propres à la danse, ont su mettre à la disposition du spectateur le cadre de leur expérience à travers des dispositifs chargés de lui faire prendre conscience de la complexité d’un espace, de la contrainte qu’il produit, physique d’abord, mais aussi mentale”. Comme le souligne Yvane Chapuis, commissaire de l’exposition, dans le catalogue très documenté , “la question n’est plus  celle de la représentation d’un espace, mais de son expérimentation”. Autre installation de Morris, Passageway (1961) est plus contraignante encore que la première, puisqu’elle se présente sous la forme d’un couloir qui se rétrécit jusqu’à interdire toute progression. L’artiste, tout comme Vito Acconci, Dan Graham et Bruce Nauman, s’est très tôt intéressé aux recherches des danseurs qui, à l’image d’Yvonne Rainer dont est présenté ici le film Live of performers (1969), prônaient une approche du corps en tant qu’objet. La proximité d’avec Merce Cunningham est mise en évidence par un portfolio de 1974 comprenant, outre sa propre contribution, celles de John Cage, Bruce Nauman, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Franck Stella ou Andy Warhol. Au premier étage du musée, le danseur présente aussi Life-Forms, un logiciel qu’il utilise aujourd’hui pour concevoir ses chorégraphies et qui lui permet de les visualiser virtuellement en trois dimensions. À côté, Four Corner Piece (1970, coll. Museum of Contemporary Art, Los Angeles) de Bruce Nauman ou Two Viewing Rooms (1975, coll. Josée et Marc Gensollen, Marseille) de Dan Graham proposent également sur écran des visions distanciées du corps, le nôtre ou celui de l’autre.

Certes, la présentation des œuvres des Américains ne coulait pas de source dans ce musée de peintures essentiellement italiennes. L’installation est d’ailleurs parfois hardie, comme cette galerie dans laquelle des moniteurs présentant des vidéos alternent avec les toiles. Par delà les siècles, les continents et les techniques, les artistes se retrouvent pourtant avec bonheur dans une approche de l’espace, dans un parcours qui implique le corps, en commençant par les yeux.

LIFE/FORMS (VITA/FORMAE)

Jusqu’au 28 août, Musée Fesch, 50 rue Fesch, Ajaccio, tél. 04 95 21 48 17, tlj sauf dimanche et lundi 9h15-12h15 et 14h15-18h15. Catalogue 128 p., 145 F, ISBN 2-913043-03-8.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : La vie en pleines formes

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