Réforme des ventes publiques

Mais pour l’ensemble du marché des questions sont en suspens

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 1006 mots

La réforme des ventes publiques se met en route alors que la France et l’Union européenne n’ont pas réglé diverses questions réglementaires et fiscales, ou corrigé des disparités, vis-à-vis des États-Unis en particulier. En voici les principales.

TVA : alignement vers le haut
Fin juin sont venues à échéance les dérogations accordées à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne en 1995, lors de la mise en œuvre de la 7e directive TVA, qui autorisaient les Anglais à appliquer un taux de TVA préférentiel de 2,5 % aux importations d’œuvres d’art et d’objets de collection (contre 5,5 % en France) et permettaient aux Allemands de moduler l’application du système de la marge, et de continuer à appliquer le taux réduit à certaines transactions, en particulier l’art contemporain. Les commissaires-priseurs et négociants d’art français critiquaient les disparités fiscales qui en résultaient à l’intérieur de l’Union européenne. La Commission, dans son rapport transmis au Conseil le 28 avril, a conclu que “l’adoption de la directive 94/5/CE (“7e directive TVA”) n’a pas eu d’incidence déterminante sur le marché communautaire de l’art et que toute proposition législative en la matière est superflue”. Elle en a déduit que l’élimination des disparités imposait simplement de supprimer les dérogations. Les professionnels espéraient que le risque de délocalisation du marché vers New York et la forte résistance prévisible des Anglais conduiraient la Commission à proposer un alignement à la baisse de la TVA à l’importation, voire l’application généralisée du taux réduit aux transactions sur les biens culturels.

Droit de suite : opposition du Royaume-Uni
S’il n’est pas de nature fiscale, le droit de suite pose aussi la question des disparités, en particulier du fait qu’il ne s’applique ni en Grande-Bretagne ni à New York. Pour les ventes d’art contemporain et d’art moderne – les œuvres d’artistes décédés depuis moins de 70 ans –, il en résulte entre la France et l’Angleterre un différentiel de 3 % à la charge du vendeur. L’Union européenne a proposé l’harmonisation sur un système dégressif jusqu’à 1 %, voire 0,5 % lors des derniers pourparlers. Malgré le refus du Royaume Uni – réaffirmé le 21 juin à Luxembourg lors du Conseil des ministres des Quinze chargés du marché intérieur –, il est vraisemblable que la généralisation du droit de suite sera tôt ou tard adoptée. Pour la France, il faudra transposer rapidement le texte européen pour donner effet au taux dégressif et trouver une solution à l’extension du droit de suite aux ventes des galeries (actuellement exonérées comme contrepartie à leur contribution à la Sécurité sociale des artistes).

Les disparités franco-françaises
L’ouverture du marché supposerait de mettre un terme à des distorsions internes. La plus évidente concerne la taxe forfaitaire : 7,5 % ou 8 % sur les ventes aux négociants ou à l’exportation, 5 % sur les ventes aux enchères. Dans ce sens, le sénateur Yann Gaillard propose de supprimer cet écart tout en augmentant sensiblement le plafond d’exonération (actuellement 20 000 francs). De la même façon, le parlementaire suggère de simplifier et de généraliser l’exonération des droits de reproduction dont bénéficient les seuls catalogues de ventes publiques.

Le paracommercialisme
Dénoncé depuis plusieurs années par le SNCAO (Syndicat national du commerce de l’antiquité et de l’occasion), le paracommercialisme peut déboucher sur le commerce clandestin, à la faveur de la prolifération des vide-greniers et déballages dans lesquels il est difficile de distinguer les vrais particuliers de ceux qui en font un commerce. Le SNCAO avait obtenu de nombreux arrêtés préfectoraux. Une circulaire récente du ministère de l’Intérieur a invité les préfets à revenir sur ces textes. La difficulté est de contrôler un phénomène de société, même s’il porte des risques (concurrence déloyale et circulation d’objets volés).

Adapter le dispositif de circulation des biens culturels
Le système français de certificat de libre circulation, mis en place le 1er janvier 1993 lors de la disparition des frontières intérieures, a été largement perturbé par la condamnation de l’État à verser 145 millions d’indemnités à Jean-Jacques Walter pour compenser la servitude de classement du Jardin à Auvers. Rendant très coûteuse la protection par le classement d’office de la loi de 1913, elle en interdit de facto l’usage, ce qui impose, après un premier refus de certificat, la liberté de sortie ou l’achat de l’œuvre par l’État. Les professionnels approuvent, les conservateurs protestent. Depuis plusieurs années, l’administration étudie des amendements possibles, visant à échanger l’indemnisation pure et simple de la servitude de classement contre des avantages fiscaux – par exemple, l’exonération totale ou partielle des droits de succession sur les œuvres classées. Des propositions parlementaires en cours pourraient permettre de régler la question dans les prochains mois. Pour clarifier les textes français, il serait opportun, à cette occasion, d’aligner les dispositions de la loi de 1913 sur celles de 1992, en supprimant dans la loi de 1913 la possibilité de classement pour les œuvres régulièrement importées.

Réhabiliter collections et collectionneurs
Les propositions récurrentes d’assujettissement des œuvres d’art à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) démontrent la nécessité d’un discours plus structuré sur le rôle des collections et des collectionneurs. Schématiquement, en France, la collection n’est pas perçue comme une œuvre d’utilité publique, mais plutôt comme un passe-temps de privilégiés. Si l’on admet que les collectionneurs d’art aident la création et contribuent à l’enrichissement des collections publiques par leurs dons et legs, l’hommage reste abstrait. En outre, le succès de la procédure de dation (paiement des droits de succession ou de l’ISF par remise d’œuvres d’art à l’État) provoque une friction permanente entre les administrations de la Culture et du Budget, dont l’image des collectionneurs pâtit indirectement. L’entreprise est de longue haleine, mais elle est déterminante pour l’évolution du marché. Une étude quantitative des dons et legs dans les collections publiques permettrait peut-être de sortir rapidement le débat des seules considérations idéologiques. La définition d’une politique française des fondations serait également de nature à sortir la question de l’antagonisme public/privé traditionnel. Les affaires en suspens (Giacometti, Arp, Vasarely) ont conduit le Conseil d’État et le ministère de la Culture à s’intéresser à la question et à formuler des propositions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Réforme des ventes publiques

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