L’art abolit les frontières

La collection Hauser & Wirth vient de se doter d’un espace d’exposition : l’ancien dépôt de locomotives de Saint-Gall. La rotonde, louée pour dix ans aux Chemins de fer fédéraux, a été entièrement aménagée par l’agence d’architecture Trunz Wirth de Niederuzwil, pour un coût d’environ 2,3 millions de francs suisses (9,5 millions de francs), versés sans aide publique par les collectionneurs. Plutôt que de présenter un ensemble représentatif d’œuvres choisies parmi plus de cinq cents pièces – Dieter Roth, Dan Graham, Franz West, Martin Kippenberger, Roman Signer, Fischli/Weiss, Jason Rhoades... –, la nouvelle directrice du lieu, Eva Meyer-Hermann, a préféré proposer la plus grande exposition personnelle à ce jour de l’Américain Paul McCarthy. La plupart des œuvres présentées ici ont été réalisées ces cinq derniers mois ou ont été réactualisés pour l’occasion, à l’image de Saloon Theater, une construction en bois dans laquelle sont projetées des vidéos plus anciennes, “en référence à l’Ouest américain, tel qu’il devrait être et tel qu’il est”, selon l’artiste. De Santa Chocolate Shop à The Box – son atelier mis en boîte et présenté verticalement –, McCarthy (né en 1945) apparaît comme l’un des artistes les plus influents pour la jeune génération californienne. La preuve en est sa collaboration avec Mike Kelley ou, comme cette année à la Biennale de Venise, avec Jason Rhoades. La collection Hauser & Wirth soutient également l’exposition de Robert Mangold présentée cet été par la Kunstverein de Saint-Gall : cinquante-quatre peintures et dessins issus de deux phases de création situées entre 1989 et 1995, les Attics Series et les Plane/Figure Paintings. Enfin, à la Kunsthalle, à côté des œuvres d’Angus Fairhurst, Christoph Büchel a aménagé un parcours qui ménage bien des surprises.

Un circuit est également proposé dans la ville autrichienne de Bregenz, sur les bords du lac de Constance. Pour sa troisième édition, “Kunst in der Stadt 3 / Natürlich Kunst” rassemble vingt projets d’artistes tels que Nobuyoshi Araki, Gaylen Gerber et Kay Rosen, Fabrice Hybert, Olaf Nicolai, Adrian Schiess, Eva Schlegel ou Chen Zhen. Ces derniers, sélectionnés par un comité réunissant Köb, Sagmeister, Fetz, Schröck et Jérôme Sans, sont intervenus à la gare, dans les rues et les vitrines de la ville ou près de la Kunsthaus, inaugurée en 1997. Le musée, dont l’architecture signée Peter Zumthor réserve une atmosphère presque sacrée aux œuvres, accueille les travaux de Wolfgang Laib, dont une nouvelle pièce spécialement conçue pour l’exposition, une ziggourat réalisée à partir de 2 000 kg de cire d’abeille, mais aussi ses pierres de lait.

Non loin des institutions récentes que sont la “Lokremise” de Saint-Gall et la Kunsthaus de Bregenz, un autre musée est actuellement en construction à Vaduz, la capitale du Liechtenstein : la Liechtenteinische Staatliche Kunstsammlung. Ce futur lieu, conçu par les architectes bâlois Morger & Degelo & Kerez, sera inauguré en octobre 2000. Les locaux actuels proposent un avant-goût de la future programmation, avec une exposition exceptionnelle d’œuvres de la collection du prince du Liechtenstein. “Götter wandelten einst...”, les mythes antiques à travers les maîtres anciens de la collection du Prince, montre des peintures, sculptures et ivoires de Rembrandt, Rubens, Jordaens, Rauchmiller ou Susini. En même temps sont présentées les créations de Ferdinand Nigg, l’un des artistes du XXe siècle les plus importants au Liechtenstein. Après avoir expérimenté une technique de peinture à la colle à papier peint, il s’est lancé dans un mysticisme étonnant à la Rouault, qui nous conduit évidemment bien loin de l’univers de Paul McCarthy.