Un festival Cahors-dinaire

Des photographes, des plasticiens et Lou Reed

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 521 mots

Le IXe Printemps de Cahors se voulait « EXTRAetORDINAIRE ». Le thème, bien qu’un peu fourre-tout et interchangeable, réussit le mariage d’installations, de vidéos et de photographies dans une ville toute acquise à la manifestation.

CAHORS - Il existe donc des images, des espaces ou des situations ordinaires. C’est du moins le postulat nécessaire au thème du IXe Printemps de Cahors, “EXTRAetORDINAIRE”. Aussi discutable que soit cette idée – d’ailleurs questionnée dans le catalogue – , elle a pour mérite d’offrir au “Printemps de la photographie” la confirmation de son ouverture vers la vidéo, le film ou l’installation, pratiqués par la quarantaine d’artistes invités et signifiant l’absurdité du cloisonnement de l’image photographique. Cette année, pour la programmation inside, la manifestation bénéficie d’un nouvel espace – les Docks, près du pont Valentré –, tandis que les œuvres outside, malheureusement mêlées à des projections de diapositives du vieux Cahors, se fondent dans la ville, les “Nuits blanches” offrant performances et spectacles. Il faut y ajouter la galerie invitée, Georges-Philippe et Nathalie Vallois. Si les œuvres qu’elle présente sont judicieusement choisies, la présence dans l’exposition de Martin Kersels et d’Alain Bublex – deux artistes de la galerie dont la Music Machine et l’Aérofiat sont des “extras” réussis dans les rues de la ville – n’est pas sans provoquer un léger brouillage.

Petit “plus” observé dans le normal, l’extra participe, selon Christine Macel, commissaire des expositions, à la “re-présentation du réel et son invention”, opposée à une esthétique du banal usée jusqu’à la corde. Ainsi, rien ne se passe, et pourtant, l’extra envahit l’image comme dans Parcmètre, misère, de Philippe Durand, où un parcmètre pousse dans l’étalage d’un fleuriste. Mais à travers les œuvres, l’extra apparaît vite comme une invention du regard : “Veuillez figurer ici un vidéophone (et encore merci de corriger le réel avec autant de générosité)”, demande Gilles Barbier dans ses Correcteurs de réalité, des formulaires blancs qui transforment la salle des machines du moulin Saint-James en vaisseau spatial. Cette vision, corrigée par des adjonctions, est proche de celle des enfants inventant des jeux à partir du quotidien, des défis à une vie paisible, comme les jeunes acteurs de Roderick Buchanan retenant leur souffle le temps de la traversée du tunnel de Glasgow. Martin Kersels, lui, joue à des jeux débiles : il envoie des gens en l’air, fixés par la photo, avant de retomber.

L’enfance et la chute, mais aussi leurs entre-deux, la suspension et l’adolescence, émergent de nombreuses œuvres. Par la magie sans cesse renouvelée de l’“instant photographique”, des objets lévitent chez Claude Closky, et les acteurs des One minute sculpture d’Erwin Wurn sont immortalisés dans des situations forcément temporaires : la tête dans un pot, en équilibre sur des balais. Quant au mannequin de réanimation, héros de la vidéo d’Olivier Dollinger, Andy’s dream, confié à des écoliers, il est entraîné au final dans une longue chute. Il retourne à l’ordinaire, seul comme cette jeune adolescente aux jambes prises de convulsions, incapable de se vernir les ongles, clôturant l’Indian Summer de Laetitia Bénat.

PRINTEMPS DE CAHORS

Jusqu’au 4 juillet, tél. 05 65 53 94 75. Catalogue, éditions Actes Sud, 130 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Un festival Cahors-dinaire

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