Des ruines pour la Russie

Quand Catherine II courtisait Hubert Robert

Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 516 mots

Si, en France, Hubert Robert (1733-1808) avait acquis une grande notoriété grâce à ses poétiques visions de ruines et de monuments, celle-ci a dépassé les frontières pour atteindre les rives de la Neva. En effet, Catherine II et les princes russes n’ont pas été les moins fervents à collectionner ses œuvres, ainsi que le montre l’exposition du Musée de Valence avec une cinquantaine de tableaux revenus pour la première fois en France.

VALENCE - Hubert Robert a séjourné onze ans à Rome, de 1754 à 1765. C’est dans la ville Éternelle que son style s’affirme, sous l’influence d’une part de Pannini et Piranèse, d’autre part de la découverte des vestiges de l’Antiquité et de la nature romaine. Mais ce séjour lui a aussi permis de nouer d’utiles contacts avec des personnages importants pour sa carrière, qu’ils soient français (Marigny, Caylus...) ou étrangers. Il fait ainsi la connaissance du comte Alexandre Stroganov, futur ambassadeur de Russie à Paris, qui allait l’introduire auprès de la famille impériale et de l’aristocratie russe, une clientèle riche de promesses. Séduits par la poésie des ruines accordée à une passion croissante pour l’Antiquité, ils lui achèteront près de 150 tableaux, dont la plupart sont aujourd’hui encore conservés dans les musées russes.

Le Musée de Valence, qui possède notamment une importante collection d’œuvres d’Hubert Robert, a obtenu le prêt d’une cinquantaine d’entre eux pour évoquer ce chapitre important des relations artistiques entre la France et la Russie. Que la plupart de ces tableaux n’aient jamais quitté la Russie n’est pas le moindre intérêt de l’exposition. Bien sûr, Robert, riche de tous les dessins réalisés en Italie puis dans le sud de la France, a souvent remis sur le métier des motifs pour satisfaire la demande. L’impératrice a par exemple reçu le Projet d’aménagement de la grande galerie du Louvre et la Vue imaginaire de la grande galerie en ruines, dont le musée parisien possède une autre version. Alors qu’en France, le décor de la salle de États de l’archevêché de Rouen est le seul à être demeuré en place, les palais russes, tel celui de Pavlovsk, possèdent encore des ensembles décoratifs intacts, dont certains feront le voyage. Du grand-duc Paul Petrovitch, futur Paul Ier, aux princes Youssoupov et Galitsyne, chaque collectionneur s’est, grâce à Robert, offert un morceau d’Antiquité rêvée. Seule Catherine la Grande a regretté que le Français n’ait pas daigné venir peindre les beautés de la Russie. Artiste d’imagination, Robert a néanmoins peint un paysage russe, Ruine dans le parc de Tsarskoïe Selo, en suivant les indications de Stroganov. Ce qui n’a pas dû lui donner grand mal, s’il est vrai que l’aménagement du parc a été inspiré par ses propres œuvres.

HUBERT ROBERT ET SAINT-PÉTERSBOURG. LES COMMANDES DE LA FAMILLE IMPÉRIALE ET DES PRINCES RUSSES ENTRE 1773 ET 1802

Jusqu’au 3 octobre, Musée de Valence, 4 place des Ormeaux, 26000 Valence, tél. 04 75 79 20 80, tlj sauf lundi 14 juillet et 15 août, 10h-12h et 14h-19h ; le jeudi 10h-22h du 1er juillet au 7 août. Catalogue, Musée de Valence/RMN, 224 p., 61 ill. coul., 198 F, ISBN 2-7118-3496-3.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Des ruines pour la Russie

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