Bernin, metteur en scène de Rome

L’exposition du Palazzo Venezia insiste sur la variété de ses talents

Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 614 mots

Après l’Algarde et avant Borromini, place au maître du Baroque, Gian Lorenzo Bernini (1598-1680), au cœur de la ville qu’il a tant contribué à modeler : Rome. Sculpteur et architecte, le Cavalier Bernin était aussi peintre, dessinateur, décorateur… autant de talents magistralement évoqués par la grande exposition du palazzo Venezia.

ROME - “Une exposition du Bernin existe déjà : elle s’appelle Rome”, souligne Mauricio Fagiolo dell’Arco, commissaire scientifique de l’exposition du palazzo Venezia. La Fontaine des Quatre-Fleuves sur la piazza Navona, la colonnade de Saint-Pierre, le pont Saint-Ange ou l’église Saint-André-du-Quirinal jalonnent en effet la cité des papes, tandis que les églises abritent ses tombeaux et ses sculptures monumentales. Sans oublier la Villa Borghèse et ses célèbres groupes mythologiques (Pluton et Proserpine...).

L’uomo universale
Malgré cette richesse offerte à tous, une exposition reste pertinente, car, s’il était sculpteur et architecte, le Bernin, archétype de l’uomo universale cher à la Renaissance, était aussi décorateur, peintre, dessinateur ou encore caricaturiste. D’ailleurs, au palazzo Venezia, le parcours s’ouvre sur une salle consacrée à ses portraits et autoportraits peints. Cette production ne va pas sans poser un problème : où sont par exemple les 150 tableaux dont parlent les archives, et plus particulièrement les registres d’inventaire des collections romaines ? Pour la première fois, une vingtaine d’œuvres sont réunies, pour vérifier que son génie n’ignorait aucune discipline. N’est-ce pas en peintre qu’il multiplie les marbres colorés et mêle les arts – sculpture, peinture et architecture – dans de savantes mises en scène illusionnistes ?

Le talent de portraitiste qu’il manifeste dans ses tableaux se déploie avec toute son invention dans les sculptures, qu’il s’agisse des papes – de Paul V à Alexandre VII –, des cardinaux – de Scipion Borghèse à Richelieu –, ou des souverains comme Alphonse Ier d’Este. La galerie de souverains de la troisième salle témoigne de sa rare aptitude à varier les attitudes, les expressions, et révèle un prodigieux sens du détail et du rendu des matières qui faisait l’admiration de ses contemporains. Celle-ci ne devait pas se démentir, puisqu’au siècle suivant, le peintre anglais Joshua Reynolds, devant le buste de Pedro Foix de Montoya, s’enthousiasmait encore pour le marbre “si merveilleusement travaillé que l’on dirait de la chair”.

Au service des papes
Le Bernin dut faire preuve de ténacité et s’appuyer sur un important atelier pour satisfaire des commandes privées de ce type, car les papes successifs n’ont cessé de le solliciter : Urbain VIII est le premier à lui confier des travaux de grande ampleur, avec le Baldaquin, le Monument à la comtesse Mathilde, le Saint Longin, et le propre tombeau du souverain pontife dans la basilique Saint-Pierre, lieu dans lequel il ne cessera d’intervenir à la demande des successeurs du pape Barberini. Dans toutes ces œuvres d’envergure, donnant forme à l’idéologie militante de la Contre-Réforme, il se comporte comme un véritable metteur en scène dont la sainte basilique serait le théâtre grandiose. L’exposition met justement l’accent sur cet aspect de son talent, dont les récentes restaurations dans les chapelles Cornaro ou Chigi, comme sur le pont Saint-Ange, ont rappelé l’audace. Pour évoquer ce dernier chantier, sont rassemblés les études autographes, les modèles en terre cuite et des peintures. Elle rappelle également que l’artiste était sollicité à tout propos, pour des meubles ou des objets d’art, voire pour des sculptures en sucre !

Reste, en quittant le palazzo Venezia, à accomplir une fois de plus l’indispensable pèlerinage menant de la Villa Borghèse à Santa Maria della Vittoria, de Santa Bibiana à la basilique Saint-Pierre.

BERNIN : LE METTEUR EN SCÈNE DU BAROQUE

Jusqu’au 29 août, palazzo Venezia, 118 via del Plebiscito, Rome, tél. 39 06 679 88 65, tlj sauf lundi 9h-14h, dimanche 9h-13h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Bernin, metteur en scène de Rome

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