Art ancien - Art moderne

Erotic Fantasy à Barcelone

Une histoire de l’art érotique de l’Antiquité à nos jours

Par Roberta Bosco · Le Journal des Arts

Le 27 août 1999 - 693 mots

Pour tous ceux qui conçoivent l’art comme une source de délectation, l’érotisme constitue un terrain privilégié. De l’Antiquité à Titien, d’Ingres à Mapplethorpe, de l’Europe au Japon, « Le jardin d’Éros » esquisse en 400 œuvres une certaine histoire de l’art, vouée à la célébration du plaisir et des sens.

BARCELONE (de notre correspondante) - “Les œuvres de cette exposition sont la preuve en images qu’il existe des constantes dans les rêves et comportements humains liés à la sphère sexuelle. Il s’agit d’un ensemble de pièces d’inspiration érotique, suffisamment représentatif pour démontrer que certains archétypes, images et fantasmes sont récurrents tout au long de l’histoire de l’art : de l’art primitif jusqu’à aujourd’hui, aussi bien en Orient qu’en Occident”, explique Victoria Combalía, commissaire de l’exposition “Le jardin d’Éros”. Quatre cents œuvres, provenant pour la plupart de collections privées européennes et souvent inédites, ont été rassemblées. “C’est un des grands attraits de cette exposition car les œuvres d’inspiration érotique circulent généralement dans les collections privées et l’origine de beaucoup d’entre elles est précisément la commande privée. De plus, quand elles sont dans les musées, elles ne sont pas toujours exposées au public”, affirme la commissaire, donnant l’exemple du Musée de Naples qui garde jalousement les peintures érotiques provenant des murs de Pompéi, ainsi que de la plupart des musées des États-Unis, où règne un nouveau puritanisme.

Deux lieux se partagent l’exposition : le palais de la Virreina, qui accueille les œuvres historiques, les photographies et les objets kitsch, et le Centre Tecla Sala, où, à quelques exceptions près, sont installées les pièces contemporaines. Pour mettre en valeur la spécificité des œuvres, la muséographie est plus proche des cabinets de collectionneurs que des grandes manifestations conçues par les historiens d’art. “Notre sélection ne prétend être à aucun moment ni exhaustive ni représentative de tout l’art d’inspiration érotique, ce qui d’ailleurs serait impossible pour diverses raisons : d’une part, parce que pratiquement tous les artistes ont abordé ce sujet en une occasion ou une autre et, d’autre part, parce que toutes les pièces capitales depuis La Maja Desnuda de Goya à la Vénus d’Urbino de Titien sont conservées dans les grands musées, rendant leur déplacement improbable.”

D’Ingres à Mapplethorpe
Il n’empêche que la sélection, réalisée avec les conseils de Jean-Jacques Lebel, compte beaucoup de grands noms : Ingres, Rodin, Klimt, Schiele, Dix, Grosz, Picasso, Dalí, Duchamp, Man Ray, Oppenheim, Magritte, Masson, Tanguy, Balthus, Matta, Tápies, Saura, Mapplethorpe, et aussi des contemporains espagnols. À ces pièces s’ajoutent les cartes postales, les objets kitsch, les films érotiques du début du siècle, et les annonces de revues pornographiques actuelles qui “donnent une idée plus complète des cheminements des fantaisies érotiques humaines”.

L’exposition reflète ce que l’histoire même met en évidence : jusqu’au XXe siècle, l’immense majorité des œuvres est réalisée par des hommes et représente la femme comme un objet de désir. C’est seulement à partir des surréalistes, avec une accélération depuis les années soixante, que les artistes femmes commencent à exprimer librement leur imaginaire érotique. “L’art doit être libre ; l’expression du désir, quel qu’en soit le point de vue sexuel, est une forme de libération”, souligne Victoria Combalía, qui juge très difficile d’opérer des distinctions claires entre l’érotisme et la pornographie, car ce qui est considéré comme obscène dépend exclusivement du goût et de la tolérance de chaque culture. Parmi les collectionneurs qui ont accepté de prêter figure Arturo Schwarz, de Milan, qui possède l’un des ensembles les plus importants d’art oriental, dada et surréaliste et a récemment fait des dons au Musée de Tel Aviv. On pourra de plus voir l’unique portrait authentique du marquis de Sade, peint par Van Loo, ainsi que seize pièces maîtresses de l’Expressionnisme allemand, trois Picasso et des nus de toutes les époques. Parmi les œuvres contemporaines émergent particulièrement les photographies de Sophie Rickett, qui nous renvoient à la tradition des Pisseuses, auxquelles une section entière est dédiée, et un subtil hommage en vidéo à L’Origine du monde de Courbet, réalisé par deux jeunes artistes yougoslaves, Naskovsky et Pavlovic.

LE JARDIN D’ÉROS

Jusqu’à mi-octobre, palais de la Virreina, 99 Ramblas, Barcelone, et centre culturel Tecla Sala, 44 avenida J. Tarradellas, L’Hospitalet.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Erotic Fantasy à Barcelone

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