Arts primitifs et art d’aujourd’hui

Ils se retrouvent chez les mêmes collectionneurs

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 1999 - 852 mots

Dans le sillage de Picasso, Braque ou Warhol, des collectionneurs d’art contemporain se sont pris de passion pour les arts primitifs. Ils profiteront sans nul doute de la tenue simultanée de la Fiac et du Salon d’art tribal pour enrichir leurs collections, devant parfois débourser plusieurs centaines de milliers de francs pour acquérir les plus belles pièces d’art tribal sur un marché qui, depuis trois ans, égale ou dépasse le pic de la fin des années quatre-vingt.

Dès les premières années du XXe siècle, quelques artistes comme Picasso, Derain, Braque et Vlaminck ont collectionné l’art africain, suivis, quelques décennies plus tard, par de grands noms de l’art contemporain tels Rauschenberg, Warhol, Baselitz ou Arman. Dans la grande exposition qu’il a organisée à New York, en 1984, Le primitivisme dans l’art du XXe siècle, William Rubin confrontait des œuvres modernes à des objets d’art primitif pour montrer leurs correspondances. Onze ans plus tard, dans une exposition qu’il organisait au Centre George Pompidou en 1995, “Picasso Afrique : état d’esprit. Carte blanche à Jacques Kerchache”, le marchand et expert soulignait “l’étrange familiarité” entre  les deux productions.

Aujourd’hui, on trouve plus fréquemment des collections réunissant art contemporain et art primitif, constituées le plus souvent par des artistes – Arman, Baselitz ou Alberola –, des galeristes comme les Durand-Dessert ou de simples amateurs. “Les collectionneurs font de moins en moins de clivages entre les spécialités, souligne le marchand bâlois Urs Albrecht. Un nombre croissant de gens collectionnent par exemple des pièces de Tàpies, de Beuys et des œuvres d’art tribal.” La galeriste Christine Valluet estime que l’attrait des collectionneurs d’art contemporain pour l’art tribal s’est renforcé depuis une quinzaine d’années. Alain de Monbrison, expert et marchand, pense que le phénomène est plus ancien ; il remonterait aux années trente et se serait développé récemment grâce à la multiplication des expositions et des publications. “Si l’exposition organisée par William Rubin et la publication de son ouvrage, en 1984, n’ont pas déclenché une ruée vers l’art primitif, elles ont néanmoins permis à des collectionneurs d’art moderne et contemporain de renouveler leur regard sur l’art primitif”, explique-t-il.

Paris en tête
C’est à Paris, qui demeure la plaque tournante pour l’art africain et océanien, que se retrouvent ces grands collectionneurs, ainsi que certains des meilleurs marchands au monde, comme Hélène et Philippe Leloup, Alain de Monbrison ou Anthony Meyer. Après Paris, qui regroupe une trentaine de galeries spécialisées, vient Bruxelles où sont installés une douzaine de marchands. New York a, selon Alain de Monbrison, perdu de son prestige depuis huit ans environ, la ville étant aujourd’hui dépourvue de marchands importants. “Il y a peu de galeries spécialisées aux États-Unis, et elles fonctionnent presque toutes sur rendez-vous”, confirme Christine Valluet. Les collectionneurs d’art africain y sont, en revanche, très nombreux. Parmi les clients les plus actifs figurent également des Français, des Allemands, suivis depuis quelques années par des Espagnols et des Italiens.
Du côté de l’art océanien, les plus gros acheteurs sont français, américains, belges, allemands, japonais et suisses. La majeure partie du marché de l’art précolombien se concentre aux États-Unis, même si l’on compte de grands collectionneurs en Europe (Belgique, Suisse, Espagne et Allemagne) et au Japon.

Toutes ces places ont bénéficié d’une nette reprise du marché de l’art primitif. “Le prix des œuvres haut de gamme a constamment augmenté depuis quelques années – parfois doublé –, effaçant la crise, alors que les pièces de moyenne et basse gamme ont stagné”, souligne Philippe Leloup.
Le marché de l’art océanien, en expansion constante, a lui aussi retrouvé son niveau de la fin des années quatre-vingt. “La flambée des prix de l’art océanien remonte à cinq ou six ans. On vend aujourd’hui à nouveau des pièces à plus d’un million de dollars”, analyse Anthony Meyer. En témoignent les très hautes enchères enregistrées lors des ventes d’art africain et océanien organisées par Sotheby’s à New York, en novembre 1998. Une sculpture maori Poutokomanawa (1,29 m, nord de la Nouvelle-Zélande) a été enlevée à 1,1 million de dollars (environ 6,6 millions de francs), et une figure Minkisi Minkondi (Congo) est partie à 1,4 million de dollars. Le 25 mai à New York, également chez Sotheby’s, une sculpture Fang s’est vendue 409 500 dollars. Les objets d’art précolombien de très haut niveau se sont, eux aussi, fortement enchéris depuis une dizaine d’années ( 50 %), contrairement aux pièces de moyenne et basse gamme qui stagnent (lire le JdA, n° 68, 9 octobre 1998).

Art tribal, un salon à l’Hôtel Dassault

Vingt-trois marchands seront présents à l’hôtel Dassault, à Paris, pour la seconde édition du Salon international d’art tribal, qui permettra aux visiteurs de découvrir, du 16 au 19 septembre, environ un millier d’œuvres d’Afrique, d’Océanie, d’Indonésie, d’Australie et d’Amérique. Ce salon, salué l’an passé par plus de 8 000 visiteurs, accueillera en particulier onze exposants français (Bernard Dulon, Philippe et Laurent Dodier, la galerie Afrique, la galerie Flak, Alain Lecomte…), sept belges (Dartevelle-Henrion, Jo de Buck...), deux américains (David Lantz, Sulaiman Diane). - SALON INTERNATIONAL D’ART TRIBAL, 16-19 septembre, Hôtel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris ; jeudi 11h-21h, vendredi et samedi 11h-19h, dimanche 11h-18 h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Arts primitifs et art d’aujourd’hui

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