Dürer, Holbein, Rubens...

Chantilly présente ses dessins allemands et flamands

Le Journal des Arts

Le 10 septembre 1999 - 650 mots

L’unique étude conservée pour un retable de Dürer ou un autoportrait d’Holbein le Vieux, voici quelques-uns des trésors conservés dans les cartons du Musée Condé, à Chantilly. Avec l’exposition des dessins allemands et flamands du XVe au XVIIe siècle, celui-ci poursuit la présentation au public du fonds exceptionnel légué par le duc d’Aumale.

CHANTILLY - Après l’Italie, l’Allemagne. Le Musée Condé de Chantilly poursuit depuis 1994 l’étude systématique et la mise en valeur de la somptueuse collection de dessins léguée par le duc d’Aumale en 1897. Dans le cadre d’un travail universitaire, David Mandrella a exploré le fonds allemand et flamand, qui rassemble des artistes aussi différents qu’Albrecht Dürer ou David Teniers.
Incontestablement, la cinquantaine de dessins présentés dans la galerie des Cerfs est dominée par la personnalité du maître de Nuremberg – même si le nombre d’œuvres qui lui étaient attribuées est sorti diminué d’un examen scrupuleux, au profit de ses élèves comme Kulmbach. Les collectionneurs du XIXe siècle avaient l’attribution généreuse… Pièce maîtresse de l’ensemble, le projet pour le retable Landauer, signé et daté 1508, est la seule étude conservée pour ce type de commande, en l’occurrence l’une de ses réalisations majeures. En revanche, la destination de l’Annonciation, dessinée dans le style monumental caractéristique de sa dernière manière, reste méconnue. Aucun tableau ne correspond à cette composition, et David Mandrella rappelle que “dans ces années troublées de la Réforme, les commandes pouvaient être annulées d’une année sur l’autre”, en même temps que les notables abandonnaient le giron de l’église catholique romaine. Cette étude ambitieuse, portant le souvenir de ses séjours en Italie, est sans doute restée à l’état de projet. À côté de ces œuvres religieuses, le Musée Condé possède trois feuilles du fameux carnet de dessins ramenés par l’artiste de son voyage aux Pays-Bas, en 1520-1521. Dessinés à la pointe d’argent, les portraits avaient pu être identifiés grâce à son journal, dans lequel il relate avec précision ce qu’il a vu et fait – et plus particulièrement qui il a dessiné, comme ces deux femmes portraiturées en Zélande dans une auberge. Outre ces sommets, la collection de Chantilly comprend une remarquable galerie de portraits, d’Hendrick Goltzius notamment. Si l’une de ces figures en médaillon, en raison de l’accent mis sur les mains, a pu être considéré comme un autoportrait, l’hypothèse a depuis longtemps été abandonnée. Au contraire, Hans Holbein le Vieux est bien l’homme âgé à la barbe fleurie et au regard las que l’on rencontre plus loin. Gravé au XVIIe pour illustrer une Histoire de l’art allemand, il avait appartenu à l’auteur, Joachim von Sandrart.

Pour la fin du XVIe et le XVIIe siècle, le fonds est dominé par les Flamands, partagés entre la grande manière de Rubens, le style plus “débraillé” de David Teniers et les paysagistes. Parmi les Rubens, le musée compte une flamboyante étude préparatoire pour l’un des tableaux de la Chiesa Nuova à Rome (vers 1608). Par ailleurs, chaque collection possède ses énigmes, comme ce maître de Cobourg, actif en Alsace dans la deuxième moitié du XVe siècle, identifiable à ses drapés heurtés. Deux feuilles illustrant le Credo avaient été achetées à prix d’or par le duc d’Aumale sous une attribution à Rogier van der Weyden, sans doute en raison d’une composition rappelant Les Sept Sacrements conservés à Anvers. Elles sont désormais données au maître de Cobourg, de même qu’une Pietà dans laquelle le XIXe avait cru reconnaître la main de Schongauer. Par ailleurs, le tri effectué dans le fonds a permis de rendre à Castiglione une feuille attribuée à Van Dyck, et un Christ et la Samaritaine à Swanevelt, qui sera présenté l’année prochaine avec les dessins hollandais.

DE DÜRER À RUBENS, DESSINS ALLEMANDS ET FLAMANDS DU XVe AU XVIIe SIÈCLE

15 septembre-17 janvier, Musée Condé, château de Chantilly, tlj sauf mardi 10h-18h, puis 10h30-12h45 et 14h-17h à partir du 1er novembre. Catalogue par David Mandrella, 192 p., 58 ill., 195 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Dürer, Holbein, Rubens...

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