Le difficile mariage de la peinture et du cinéma

Rembrandt embaumé par Charles Matton

Le Journal des Arts

Le 10 septembre 1999 - 435 mots

Après Alexander Korda en 1936, le peintre et cinéaste Charles Matton tente aujourd’hui de porter à l’écran la vie de Rembrandt (1606-1669). Écrasé par un sujet de cette ampleur, le réalisateur nous sert une sage hagiographie du génie forcément incompris, victime de la vindicte d’une société excédée par sa liberté.

PARIS - “Il faut être mort plusieurs fois pour peindre ainsi”. Cette phrase de Vincent van Gogh placée en exergue du film souligne la vanité de résumer la vie – ou plutôt les vies – de Rembrandt en 1h40. Soixante-trois ans d’une existence mouvementée, d’une gloire rapide à une vieillesse désenchantée. Le contraste entre les succès et les drames, la rivalité de la peinture et de la littérature – symbolisée par les figures antinomiques de Rembrandt et du poète Vondel –, constituaient un matériau fécond. Hélas ! ces thèmes ne sont qu’effleurés et, pour ne pas avoir su trancher – ou retrancher –, le réalisateur ne peut que réduire son film à une suite superficielle de scènes trop nombreuses et trop brèves pour donner de la densité au récit. Sans compter que Klaus Maria Brandauer n’est guère convaincant dans le rôle du peintre. Mais ce qui manque le plus, c’est un parti pris de mise en scène. Parfois, au détour d’une scène à l’intensité dramatique plus soutenue, baignée dans un beau clair-obscur souligné par les costumes sombres des notables, Matton laisse entrevoir ce que le film aurait pu être.

Dans l’ouvrage édité à l’occasion de l’exposition présentée à la Maison européenne de la Photographie, Sylvie Matton, épouse du réalisateur et auteur du scénario, nous livre la clé du film : “D’évidence, les rouages de la société n’ont pas changé depuis quatre siècles. [...] Les revers d’art et de fortune de Rembrandt, les difficultés à vivre et à créer, Charles les connaît depuis toujours, intimement. Mais, comme Rembrandt, Charles Matton poursuit son œuvre.” Victime d’un complot ourdi par une société bien-pensante, l’artiste incarne la figure du martyr de l’art sacrifié sur l’autel de la morale, du génie forcément incompris. “Les aveugles détestent ceux qui voient la lumière”, beugle le prêcheur des rues, interprété par Richard Bohringer. L’auteur pourra toujours opposer cette maxime à ceux que son film irrite.

- REMBRANDT, film de Charles Matton, avec Klaus Maria Brandauer (Rembrandt), Johanna ter Steege (Saskia), Jean Rochefort (le Pr. Tulp), Romane (Hendrickje) et Richard Bohringer (le prêcheur), Jean-Philippe Écoffey (Jan Six). Durée 1h43. - Voir aussi MATTON/REMBRANDT, jusqu’au 27 septembre, Maison européenne de la Photographie, 5-7 rue de Fourcy, 75004 Paris, tél. 01 44 78 75 00, tlj sauf lundi et mardi 11h-20h. Catalogue, 112 p., 250 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Rembrandt embaumé par Charles Matton

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