Arts d'Asie

Le fabuleux destin des objets chinois

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2008 - 717 mots

Les familles françaises détiennent des trésors de Chine, souvent méconnus, dont les prix s’enflamment en ventes publiques.

PARIS, TOULOUSE - De précieux objets d’art rapportés de Chine en France il y a deux ou trois générations, puis oubliés dans des familles et qui resurgissent en vente publique aujourd’hui, voilà ce qui fait fantasmer les collectionneurs asiatiques, férus de beaux objets de leur patrimoine auréolés d’une histoire. Estimé 400 000 euros, un grand et rare plat chinois en porcelaine « bleu et blanc » datant de l’époque Yuan (1271-1368), trouvé chez un particulier qui ignorait la valeur de cette pièce, est monté à 816 000 euros le 25 juin à Drouot (SVV Ader). Il a été acheté par une courtière pour le compte d’un amateur asiatique, contre un enchérisseur de Hongkong au téléphone et le marchand londonien Giuseppe Eskenazi. Plus spectaculaire, un rare sceau impérial chinois en stéatite beige ayant appartenu à l’empereur Kangxi (1662-1722), et dans son coffret d’origine, disputé par neuf enchérisseurs, a été adjugé 5,6 millions d’euros le 14 juin à Toulouse sous le marteau d’Hervé Chassaing. Il était resté enfoui depuis des dizaines d’années dans une famille toulousaine, éberluée de découvrir son importance et sa valeur à l’occasion d’une journée d’expertise gratuite quelques mois plus tôt. Son prix dépasse le record mondial réalisé par Sotheby’s à Hongkong le 9 octobre 2007 pour un sceau chinois : un jade blanc impérial de la période Qianlong (1736-1795) s’était envolé à 46,2 millions de dollars hongkongais (4,2 millions d’euros).

Les Asiatiques élargissent leur goût
Le 12 juin chez Sotheby’s, compte tenu de la qualité de la vente, « on se sentait comme à Londres », attestaient plusieurs professionnels internationaux venus acheter au nom de clients. La flambée des prix a été impressionnante pour les porcelaines, principalement Ming et Qing, de la collection d’avant guerre de l’industriel suédois Dr Johan Carl Kempe. Celle-ci était présentée dans un catalogue à part, avec une autre collection européenne de céramiques chinoises. Estimée 40 000 euros, une coupe en porcelaine monochrome blanche de la dynastie Ming, de marque et d’époque Zhengde (1506-1521), de la collection Kempe, a vu les enchères grimper jusqu’à 360 750 euros. « Les amateurs sont prêts à surpayer l’excellence, surtout si la provenance est impeccable, commente l’expert Christian Bouvet. La nouveauté a été la participation d’enchérisseurs asiatiques qui, traditionnellement, préfèrent la porcelaine à décor polychrome aux pièces monochromes. » Lors de sa vente classique d’arts d’Asie, il a expliqué à une équipe de télévision chinoise venue tourner un reportage sur les « Trésors de France », que l’Hexagone était « un vaste grenier d’art asiatique ». Pour un vase mural en émaux polychromes, de marque et d’époque Qianlong, trouvé dans une famille française et estimé 12 000 euros, un acheteur de Chine populaire est monté jusqu’à 168 750 euros. « Il a fait plus cher qu’à Hongkong ! », note l’expert. Un vase balustre en porcelaine blanche, de marque et époque Qianlong, a été adjugé 90 750 euros (quatre fois l’estimation) à un acheteur asiatique. Trouvé dans une succession, il aurait pu faire encore plus s’il n’avait été érodé au col. Les anciens propriétaires l’avaient monté en lampe sans avoir pris la mesure de son importance. Chez Christie’s, le 11 juin, le lot phare de la vente a été repéré dans un petit village de Haute-Provence : une sculpture sino-tibétaine d’Angaja en bronze doré, du XVe-XVIe siècle, qui doit son prix de 720 000 euros (trois fois l’estimation) à une belle bataille d’enchères emportée par une galerie américaine, sans doute un intermédiaire. D’après l’expert Thierry Delalande, « jusqu’à récemment, les Chinois ne s’intéressaient qu’aux pièces à 100 % chinoises. Leur intérêt récent pour les objets sino-tibétains a complètement “boosté” le marché ».

CHRISTIE’S, vente du 11 juin Art d’Asie - Estimation : 3,5 à 5 millions d’euros - Résultats : 4,8 millions d’euros - Nombre de lots vendus/invendus : 192/121 - En valeur : 61 % SOTHEBY’S, vente du 12 juin Céramiques chinoises - Estimation : 1,5 à 2,1 million(s) d’euros - Résultats : 4,2 millions d’euros - Nombre de lots vendus/invendus : 158/47 - En valeur : 77 % Arts d’Asie - Estimation : 1,4 à 1,8 million d’euros - Résultats : 2,6 millions d’euros - Nombre de lots vendus/invendus : 95/52 - En valeur : 64,6 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Le fabuleux destin des objets chinois

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