Architecture

Antoine Stinco

Sainte-Barbe retaillé

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2008 - 567 mots

Au cœur du cœur du Quartier latin, à Paris, le collège Sainte-Barbe fait peau neuve et devient la « bibliothèque interuniversitaire Sainte-Barbe ».

Fondé en 1460, Sainte-Barbe était, à sa fermeture en 1998, le plus ancien collège de Paris encore en activité. Sa renommée était considérable, non seulement en raison de la qualité de son enseignement, mais encore parce que, dès sa fondation, la règle – a contrario des autres collèges – y était d’accueillir les élèves en fonction de leurs mérites et non de leurs origines sociales ou provinciales (durant la Réforme, catholiques et protestants y faisaient bon ménage). Le collège de la rue Valette (Paris-5e), en tant que bâtiment, connut au cours des siècles bien des transformations et des vicissitudes, et le passage de nombreux architectes : les frères Labrouste entre 1840 et 1853 ; Lheureux en 1881 ; Lionel et Brandon en 1936, lesquels opérèrent, avec un très beau bâtiment en brique, le lien entre les deux ailes de Lheureux ; Lebret en 1967 avec un gymnase défigurant l’ensemble.
Deux ans après sa fermeture, il est question de transformer le collège en bibliothèque. Sur les 113 architectes candidats, quatre sont retenus, et c’est finalement Antoine Stinco qui remporte le concours en 2005. Deux ans et demi de travaux seront nécessaires pour mener à bien le chantier et faire coïncider l’ampleur du projet (13 600 m2) avec l’étroitesse du budget (17 650 000 euros hors taxes et hors mobilier).

Couleurs d’origine
Dès septembre 2008, la nouvelle bibliothèque interuniversitaire flanquée d’un centre de recherche (réservé aux « thésards » et aux chercheurs) offrira donc à la consultation, pour les étudiants parisiens, 1 200 places, 300 postes multimédias, 160 000 ouvrages et 450 périodiques.
Décloisonner, ouvrir, donner air et lumière à ces vieux bâtiments auront été les maîtres mots du travail de l’architecte. Pari tenu tant il est évident que la lumière et la fluidité sont reines ici. Circulations douces, gamme de couleurs propice à l’étude, double ouverture sur l’extérieur, tout ici baigne dans la clarté et la sérénité. Un travail tout de subtilité et d’élégance. De ce « presque rien » cher à Vladimir Jankélévitch dont l’ombre immense flotte encore à l’entour... Jusqu’à la grande cour centrale transformée en cour anglaise avec végétation idoine et larges fossés éclairant a giorno le rez-de-chaussée bas à demi enterré.
Les bâtiments du XIXe siècle et des années 1930 rénovés, la verrue des années 1960 abattue, il s’agissait de préserver et d’exploiter au plus fin trois lieux exceptionnels. Le réfectoire tout d’abord, aux étranges mosaïques signées Facchina, lequel œuvra également pour Charles Garnier à l’Opéra de Paris. Remarquablement restauré (par les mêmes équipes que celles avec lesquelles Stinco collabora pour le grand amphithéâtre de l’Académie de médecine, sise rue Bonaparte à Paris), le réfectoire est devenu salle de lecture et son mobilier d’origine (tables aux plateaux de marbre et bancs en bois), des postes de travail. La salle de dessin et d’expression artistique (également connue comme « salle des heures de colle ») est quant à elle lovée sous une imposante verrière et ornée de hauts-reliefs célébrant les beaux-arts et exécutés par Charles Gauthier. Et, enfin, le grand amphithéâtre conservé dans son jus. Dans ces trois espaces dominent le turquoise, le marron, le rose et le beige d’origine qui, mieux qu’un grand discours, maintiennent la mémoire du lieu, la gloire de l’illustre collège tout en le faisant basculer en pleine modernité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Antoine Stinco

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