Art médiéval

Et la lumière fut

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2008 - 720 mots

Les vitraux de la Sainte-Chapelle vont faire l’objet d’une campagne de restauration, financée à parité par l’État et le mécénat.

PARIS - « Les grandes institutions culturelles ne doivent pas tout attendre de l’État. » Cette petite phrase lourde de sens, prononcée par Isabelle Lemesle, directrice du Centre des monuments nationaux, le 19 juin, lors de la signature de la convention de mécénat pour la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle, à Paris, a marqué les débuts de nouveaux travaux pour l’édifice et la concrétisation d’une fructueuse collaboration entre le public et le privé. Les vitraux de ce joyau du patrimoine français, construit par saint Louis entre 1241 et 1248 pour servir d’écrin aux reliques de la Passion du Christ et installé au cœur du palais de la Cité, doivent retrouver leur luminosité, altérée à l’intérieur à cause de la condensation, à l’extérieur par la pollution. Répartie sur cinq ans, de 2008 à 2013, d’un coût total de 10 millions d’euros, la restauration qu’il restait à faire sur sept des quinze verrières du XIIIe siècle sera financée à part égale entre l’État et les Fondations Velux, entreprise coutumière du fait. Comme l’a rappelé Alain-Charles Perrot, architecte en chef des Monuments histo-
riques, responsable du projet, les restaurations réalisées au XIXe siècle avaient permis de sauvegarder les vitraux et de retrouver les techniques oubliées des maîtres verriers du Moyen Âge. Déposés intégralement lors des deux grands conflits mondiaux du XXe siècle, ils s’étaient par la suite encrassés et obscurcis. Dans les années 1970, la rose occidentale (datant du XVe siècle) et les verrières de la façade sud avaient fait l’objet de soins intensifs, suivis de nouvelles opérations en 1999-2000 sur des verrières de l’abside. En 2007, la pose d’un doublage en verre thermoformé sur chaque verrière, en face externe, témoigne d’une véritable avancée en matière de préservation préventive.
Il s’agit aujourd’hui de s’attaquer aux quatre grands vitraux de la façade nord de la nef consacrés au cycle de l’Ancien Testament (« La Genèse », « L’Exode », « Le livre des Nombres », « Le livre de Josué ») et aux trois vitraux de l’abside restants  (« Le livre des Juges et des scènes du cycle prophétique », « Le livre d’Isaïe » et « Saint Jean l’Évangéliste »). Particulièrement minutieuse, l’intervention consistera à supprimer la couche de vernis appliquée au milieu du XXe siècle, laquelle a noirci avec le temps, assombrissant les verres exécutés à la grisaille – technique qui consiste à peindre avec des jus transparents qui se colorent lors de la cuisson. Pour ce, un système de caméra infrarouge doit permettre aux restaurateurs et maîtres verriers de lire à travers la crasse afin d’ôter le vernis sans altérer le dessin. Les visages ayant disparu (souvent rajoutés à froid une fois le verre achevé) seront restitués sur un verre de doublage appliqué sur l’original, une opération totalement réversible donc. Les barlotières (ensemble des barres en fer forgé maintenant les panneaux), pour la plupart d’origine, seront également traitées, tout comme les éléments en pierre sculptée dans lesquels ont été disposés les panneaux. En revanche, le réseau des plombs enserrant les morceaux de verre, renouvelé pour l’essentiel au XIXe siècle, sera remplacé par un nouveau, plus résistant. Les plombs de casse ajoutés au fil du temps seront supprimés pour redonner sa lisibilité au dessin. Une verrière de doublage installée en face externe du vitrail permettra de résoudre les problèmes de condensation. Il faudrait enfin penser à retirer les bureaux préfabriqués installés dans la cour de la Sainte-Chapelle en 1998 pour abriter des services administratifs. Comme le rappelle Le Canard enchaîné dans son édition du 18 juin (assortie d’une photographie évocatrice), ce type de construction est, sauf à titre provisoire, formellement interdit, à l’abord de monuments historique.

Sainte-Chapelle

- Coût total de la restauration : 10 millions d’euros (5 millions d’euros grâce au mécénat) sur cinq ans - Maîtrise d’ouvrage : Centre des monuments nationaux - Maîtrise d’œuvre : Alain-Charles Perrot, architecte en chef des Monuments historiques - Nombre de visiteurs annuels : 700 000 - Composition des vitraux : 15 verrières (dont 8, de part et d’autre de la nef, mesurent 15,35 m de haut, et 7 sont de dimensions plus petites pour l’abside) composées de 1 113 panneaux figurés pour les 2/3 en verre d’origine, soit 750 m2 de surface vitrée

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Et la lumière fut

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