Le petit René pleure, ses parents divorcent

Hervé et Richard Di Rosa se disputent dix ans de création fraternelle

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 8 octobre 1999 - 693 mots

Inséparables acteurs de la Figuration libre dans les années quatre-vingt, les Di Rosa se disputent aujourd’hui la paternité de leurs créations. Le peintre Hervé Di Rosa estime que son frère cadet, le sculpteur Richard, réclame aujourd’hui des droits sur des œuvres qu’il a simplement contribué à mettre en volume. Reste à savoir où s’arrête la retranscription et quand commence la création.

PARIS - Sympathiques petits cyclopes roses, les “Renés” vivaient en harmonie dans les peintures, les sculptures ou les jouets des Di Rosa, jusqu’à ce qu’un différend juridique oppose les deux frères. Partie prenante de la Figuration narrative, aux côtés de Robert Combas et de François Boisrond, Hervé Di Rosa développe depuis le début des années quatre-vingt une peinture nourrie de bandes dessinées et de science-fiction, rejoint rapidement par son frère dont les sculptures puisent dans la même “anti-mythologie”. Multipliant les expositions – la fondatrice, “Ils arrivent tous par Air, Terre, Mer”, s’est tenue en 1984 chez Tony Shafrazi à New York –, les commandes publiques – telle la station de métro de Toulouse en 1993 –, ou les tee-shirts, bérets et chaussettes, les deux frères sont inséparables. En 1987, ils créent la DI RO SARL, consacrée à “l’exploitation sous toutes ses formes d’œuvres de l’esprit, notamment par la fabrication et la commercialisation de tous produits dérivés réalisés à partir des œuvres des deux artistes”, avec pour ambition de développer “l’art modeste”, des pièces à petit prix et à grand tirage. En 1990, une boutique est ouverte, mais après diverses péripéties, dont le départ du gérant, les deux frères placent la société en liquidation en juillet 1999.

Depuis, le torchon brûle. Hervé a assigné en référé son frère le 9 septembre, afin d’avoir connaissance “des contrats en cours, et notamment des contrats de marchandisage qui auraient été signés par la société DI RO SARL”. Pour Richard, s’il gère de fait la société et “essaye d’en combler les dettes d’environ 300 000 francs”, son frère n’en reste pas moins le cogérant mais “ne s’en occupe plus, produisant des objets avec d’autres personnes”. À cet imbroglio juridique sur des licences de produits dérivés, s’ajoute un contentieux portant sur la paternité de personnages utilisés en commun dans les créations des deux frères. Richard se dit surpris d’apprendre que son frère prépare un dessin animé pour Canal , mettant en scène les “Renés” dont il affirme être le cocréateur.

Qui fait quoi ?
Mais Hervé estime cette revendication à la copropriété injustifiée. Il demande au tribunal de constater qui est le créateur et, “au cas où par impossible Monsieur Richard Di Rosa oserait revendiquer des droits, donner au vu des pièces, documents et témoignages fournis, son avis sur le rôle effectif de chacun des deux artistes.”

Pour Me Bitoun, l’avocat d’Hervé, actuellement en voyage, le rôle de Richard s’arrête “à une mise en trois dimensions des œuvres d’Hervé”. Patrick Bongers, codirecteur de la galerie Louis Carré qui représente Hervé Di Rosa, estime que “l’artiste de base serait Hervé ; il a mis le pied de son frère à l’étrier”. En charge du travail de Richard, l’avis de Jean-Gabriel Mitterrand est moins tranché : “Je n’étais pas dans l’atelier, mais, pour moi, à la vue de ses expositions personnelles, Richard est un véritable sculpteur, pas un assistant. J’imagine qu’il a apporté sa part dans le travail réalisé avec son frère”. Auteur de La figuration libre, Paris-New York (éditions Au même titre), Thierry Laurent prend pour exemple Le peuple des Renés au grand complet, une toile de 1984 signée Hervé Di Rosa, qu’il compare avec les Trois Renés figurines Starlux de 1988, signés conjointement : “Si l’antériorité du sujet est indéniable, les cyclopes évoluent, avec leur passage en sculpture, d’un aspect carnassier art brut, à un autre plus tendre, amoureux, vulnérable, proche de Walt Disney. Pour moi, il y a une autonomie de cette œuvre, ce n’est pas uniquement une mise en forme”. Prévue le 30 septembre, l’audience a été repoussée au 21 octobre. Si aucun arrangement n’est trouvé, celle-ci devrait se conclure par la nomination d’un expert qui aura la délicate mission de pénétrer dans le secret de l’atelier, afin de trancher dans dix ans de travail commun.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°90 du 8 octobre 1999, avec le titre suivant : Le petit René pleure, ses parents divorcent

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