Que la séance commence

Deux regards sur le cinéma expérimental

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 1999 - 431 mots

Alors que les œuvres faisant appel à des dispositifs de projection se multiplient, leur précurseur, le cinéma expérimental, reste dans l’obscurité. La réédition de l’Éloge du cinéma expérimental de Dominique Noguez et la publication du Scratch Book par Light Cone offrent l’occasion de découvrir ou redécouvrir un domaine souvent perçu comme bâtard, à cheval entre cinéma et arts plastiques.

Underground, différent, autre, d’avant-garde... Quel adjectif donner à un cinéma dont les réalités culturelles et économiques divergent de celui que diffusent les circuits commerciaux habituels ? En 1979, Dominique Noguez répondait par “cinéma expérimental”, en prenant soin de raturer le terme pour prendre ses distances avec lui, faute d’une meilleure définition. Celui-ci n’a toujours pas trouvé mieux pour parler d’un cinéma “de l’irrévérence (car il n’a de compte à rendre à personne) et de l’irréférence (puisque ses “signes” visent moins leurs référents qu’eux-mêmes)”. Étude sur l’influence du cinéma futuriste, analyse de l’œuvre des “hommes orchestres” Norman McLaren et Peter Kubelka, panorama du cinéma américain des années soixante-dix, Éloge du cinéma expérimental se fait remarquer par la rigueur de ses études historiques, enrichi, pour sa réédition, de Trente ans de cinéma expérimental en France (1950-80), du même auteur et également épuisé. Mais l’ouvrage est aussi marqué par la subjectivité épicurienne de la “célébration de quelques œuvres” et de textes d’humeurs fleurant bon les grandes années du gauchisme militant.

De nouvelles perspectives
Choix esthétique, le cinéma expérimental est également défini par ses “conditions de production – ou mieux : de création – et de diffusion des films”, indique Noguez en introduction. En faisant le point sur les quinze années de projections entreprises en 1983 par Yann Beauvais et Miles McKane, pour “envisager d’autres manières de voir le cinéma [...] et lutter contre l’effilochement du mouvement expérimental en France”, le Sc ratch Book, édité par la coopérative Light Cone, propose un exemple actuel de cet à-côté indispensable. Recensement des centaines de films projetés lors des séances Scratch, à un rythme hebdomadaire à peu près régulier, dans des lieux nomades mais parisiens, le livre est aussi un recueil de textes inédits, dont un entretien avec Hollis Frampton et de nombreux écrits de cinéastes. De plus, l’ouvrage apprécie un travail mené dans la marge depuis une quinzaine d’années et propose une réflexion profitable sur les conditions de diffusion d’une production artistique en dehors de l’institution.

- Scratch Book 1983/1998, sous la direction de Yann Beauvais et Jean-Damien Collin, éditions Light Cone, 410 p., 250 F. ISBN 2-9503255-1-3. - Dominique Noguez, Éloge du cinéma expérimental, éditions Paris Expérimental, 45 rue Saintonge, 75003 Paris, 380 p., 230 F. ISBN 2-912539-05-06.

Séances Scratch, Centre Wallonie-Bruxelles, 7 rue de Venise, 75004 Paris, tél. 01 46 59 01 53, tous les mardi à 20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°91 du 22 octobre 1999, avec le titre suivant : Que la séance commence

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque