Le marché de l’art sous l’œil des parlementaires

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 1999 - 563 mots

L’œcuménisme parlementaire s’est manifesté en faveur du marché de l’art, à l’occasion du colloque tenu à l’Assemblée nationale le 2 novembre, à l’invitation de Pierre Lellouche (député RPR de Paris), sous le haut patronage de Laurent Fabius, président (PS) de l’Assemblée, et avec la présence effective de Catherine Trautmann et de parlementaires représentant la majorité et l’opposition.

Lesté de nombreux rapports et de multiples propositions, le débat, riche de bonnes intentions, a souligné des urgences sans préciser les échéances. En face de parlementaires bien disposés, le marché français est encore apparu trop axé sur la défensive.

Parmi les observations de la journée, celles qui ont retenu l’attention peuvent montrer la difficulté pour les parlementaires de percevoir avec netteté les enjeux.  Laure de Beauvau-Craon annonçait une année d’exportations records de Sotheby’s France vers Londres et New York (900 millions de francs), en l’expliquant par le refus de la France de mettre un terme au monopole et celui des commissaires-priseurs français d’autoriser, après Groussay, d’autres ventes en France, pendant que d’autres expliquaient la contraction des échanges par la TVA à l’importation... Christian Deydier a annoncé un audit du marché de l’art réalisé par le Syndicat national des antiquaires, tout en précisant que son contenu était sous embargo, alors que certaines données de cet audit étaient reprises dans les contributions de plusieurs orateurs et suscitaient parfois des interrogations. Ainsi, le président André Chandernagor s’est étonné d’un chiffre d’affaires annoncé de 30 milliards pour le marché français, contre 24 pour celui du Royaume-Uni : le chiffre français agrège en fait celui des métiers d’art, beaucoup plus importants en France qu’en Grande-Bretagne. Le sénateur Yann Gaillard, pour sa part, relevait qu’il ne fallait pas croire qu’on ressusciterait les “vieilles lunes” de l’époque du Paris triomphant, que les disparités fiscales ne justifiaient pas tout, et qu’il serait bon que les professionnels mettent un peu plus de transparence (était-ce au sens de fiabilité ?) dans les chiffres présentés aux pouvoirs publics. La déclaration de Catherine Trautmann était sans doute à mesurer à l’aune de ces incertitudes, puisque, tout en affirmant son attachement au marché – auquel elle a donné des gages en luttant contre l’introduction de l’ISF et en obtenant une baisse du taux de la taxe forfaitaire –, elle a sans doute déçu en restant dans la stricte orthodoxie européenne en matière de TVA à l’importation ou de droit de suite. “Les règles actuelles de TVA ne paraissent pas de nature à nuire à la compétitivité du marché de l’art”, a assuré la ministre de la Culture en s’appuyant sur le rapport du 28 avril de la Commission européenne. Contrairement à Tony Blair, elle ne croit pas que le risque de délocalisation des ventes vers des pays non européens en raison du droit de suite soit “réel”. Néanmoins, la ministre “a confié une étude à un cabinet extérieur pour le vérifier”. Elle a “bon espoir que l’Assemblée nationale examine avant la fin de l’année” le texte réformant les ventes publiques, mais n’a pas donné de date pour celui réaménageant le dispositif d’exportation de la loi de 1992.

Globalement, on a eu l’impression que le marché souffrait avant tout de complexité, pour les dispositifs patrimoniaux et fiscaux, les diagnostics, les objectifs et les solutions proposées. Reste aux professionnels à apporter aux gouvernants des données et des idées claires. Nous reviendrons dans un prochain JdA sur les propositions formulées, notamment fiscales.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°93 du 19 novembre 1999, avec le titre suivant : Le marché de l’art sous l’œil des parlementaires

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