Design

Terence Woodgate et John Barnard

Tabula Rasa

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 17 juin 2008 - 456 mots

Ils s’y sont mis à deux pour dessiner... presque rien. Une table quasiment en deux dimensions et justement baptisée Surface.

Elle mesure trois mètres de long sur un de large et 0,75 de haut, mais n’est épaisse que de… deux millimètres (aux bords). Un exploit dû à un tandem, donc, formé par le designer Terence Woodgate, 55 ans, et le styliste et ingénieur automobile John Barnard, 62 ans. Les deux créateurs de Sa Majesté – ils portent tous deux le titre de « Royal Designer for Industry », plus prestigieuse distinction en Grande-Bretagne dans le domaine du design industriel – ont conçu cette table pour l’éditeur anglais Established & Sons. D’abord passionné par l’ingénierie, Woodgate s’est, dès le milieu des années 1980, tourné vers le mobilier et les luminaires et travaille aujourd’hui pour des firmes réputées telles les Britanniques Concord Lighting et SCP, l’Espagnol Punt Mobles et les Italiennes Montina et Moroso. Son alter ego, John Barnard, lui, est un as des sports mécaniques. Dans les années 1980 et 1990, il a été l’un des techniciens les plus en vue de la Formule 1. En 1984, la McLaren qui décroche le titre mondial, avec Niki Lauda au volant, est de sa patte. Rebelote l’année suivante avec Alain Prost et sa MP4-2B. En 1995, chez Ferrari cette fois, il conduira un autre Français – Jean Alesi – à la victoire, au Grand Prix du Canada, grâce au modèle 412-T1. Point commun de ces monoplaces victorieuses ? Une carrosserie constituée d’une coque en... fibre de carbone. Barnard est le premier designer au monde à avoir conçu un bolide de F1 avec ce matériau révolutionnaire. Sa science ès carbone, il l’a cette fois mise au service du mobilier. Cette table est davantage de soustraction que d’addition. Le B.A.BA : un plateau et quatre pieds. « Il était intéressant pour nous de prendre une forme archétypale, en l’occurrence une table classique avec un pied à chaque angle, et de pousser cette forme aussi loin que possible, explique Terence Woodgate. C’est devenu une recherche vers la perfection. Des pieds ronds, des angles rayonnants, des arêtes arrondies, tout accentue la minceur de l’objet faisant de sa forme globale une surface géométrique fluide et sans raccords ».
Avancées de l’industrie automobile et de la technologie spatiale obligent, les deux comparses ont exploité au mieux les qualités de la fibre de carbone, dont la principale : une grande résistance mécanique pour un poids réduit : 40 kg. Reste que, en ces temps nouveaux du développement durable, la table Surface n’est pas politiquement correcte. Son prix d’abord : 34 900 euros HT. Son devenir ensuite : broyer la fibre de carbone est problématique, son recyclage est donc difficile. Bref, l’exploit en vaut-il la chandelle ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°284 du 20 juin 2008, avec le titre suivant : Terence Woodgate et John Barnard

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