Pari gagné pour Cultura

Faible fréquentation mais bon niveau d’affaires

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 3 décembre 1999 - 803 mots

Montée dans le délai record de cinq mois, à la suite de la défection soudaine de l’European Fine Art Fair (Tefaf), Cultura, la nouvelle foire d’art et d’antiquités de Bâle, a réussi son baptême du feu. Dans l’ensemble, les spécialistes des antiquités grecques, romaines, précolombiennes et égyptiennes semblent avoir bien travaillé. Résultat plus mitigé pour les tableaux modernes et anciens, les livres et manuscrits ainsi que le mobilier, insuffisamment représentés. Une trentaine d’exposants ont déjà réservé un stand pour l’édition 2000.

BÂLE - “Je n’ai jamais vu une aussi riche réunion d’antiquités dans un salon”, s’exclame le marchand suisse Jean-David Cahn. “C’est une des plus belles foires jamais réalisée dans le secteur des antiquités”, insiste de son côté Joseph Uzan (galerie Samarcande). Cultura a commencé en fanfare avec un vernissage qui a attiré près de 3 500 personnes, plus du tiers de la fréquentation totale du salon : 10 076 visiteurs, contre 16 000 lors de la dernière édition de Tefaf Bâle, en 1998. Faible pendant la semaine – 800 personnes par jour –, la fréquentation a été un peu plus soutenue au cours du dernier week-end. Beaucoup d’exposants se sont plaints de l’insuffisance de la publicité et de la couverture presse dans les pays voisins, comme la France et l’Allemagne. Parmi les visiteurs figuraient de nombreux d’invités (notamment des millionnaires suisses et américains) triés sur le volet par l’Union de Banques Suisses, le principal et très efficace sponsor de Cultura. Plusieurs conservateurs de grands musées américains et suisses ont fait leurs emplettes à Bâle, tandis que les Français et les Allemands se faisaient nettement plus discrets.

Les antiquités en tête
Le point fort de Cultura ? La réunion en un même lieu de vingt antiquaires venus d’Allemagne, de France, d’Angleterre, des Pays-Bas, de toute la Suisse – Lugano, Zurich, Bâle – mais aussi des États-Unis. Le plus gros du contingent était formé de spécialistes de la Grèce classique, comme Rupert Wace qui exposait une statue d’homme en bronze de plus de 1,20 m de haut (IIIe siècle av. J.-C.), et de la Rome Antique, telle la Galleria Serodine d’Ascona avec un trépied en bronze étrusque (VIIIe ou VIIe siècle av. J.-C.). L’Égypte ancienne figurait aussi en bonne place, notamment sur le stand de la galerie Rhéa et celui de L’Étoile d’Ishtar, qui proposait un rare récipient en argile rouge représentant une nourrice agenouillée serrant dans ses bras un enfant (Nouvel Empire, XVIIe dynastie, vers 1400 av. J.-C.). L’Orient et l’Extrême-Orient réunissaient sept exposants, dont la galerie Ben Janssens avec un grand vase cloisonné Hu de la période Ming, orné de deux dragons à la poursuite d’une perle flamboyante. L’art précolombien était représenté par deux marchands, Santo Micali (galerie Mermoz) et Ulrich Hoffmann (galerie Alt-Amerika). “C’est une des meilleures foires que j’ai réalisées depuis quatre ans que j’expose à Bâle. Ce succès s’explique probablement par le fait que les visiteurs me connaissent mieux”, analyse Santo Micali, qui a vendu une statue de dignitaire assis de Vera Cruz environ 75 000 francs suisses (300 000 francs français), une pièce à double tête de serpent d’origine Maya (250 ap. J.-C.) et plusieurs autres objets autour de 45 000 francs suisses.

Les antiquités grecques, romaines et égyptiennes ont particulièrement séduit les collectionneurs. Les Royal-Athena Galleries de New York ont cédé une figure d’Aphrodite en marbre (Ier siècle av. J.-C.) pour 750 000 francs suisses, le Londonien Rupert Wace une quarantaine de pièces, dont une idole cycladique à plus de 150 000 francs suisses, David Cahn un portrait de Néron à 150 0000 francs suisses, un fragment de torse grec (Ve siècle av. J.-C.) à 87 500 francs suisses, ainsi que des objets de moindre importance. D’autres ont moins bien travaillé, tel Joseph Uzan (galerie Samarcande ) qui affirme “avoir fait ses frais” en cédant notamment un vase étrusque pour 35 000 francs suisses. “Je reviendrai l’an prochain”, assure-t-il pourtant. Édith Bader-Koller s’est séparée de bijoux autour de 4 000 francs suisses pièce, mais d’aucune sculpture. Didier Wormser (L’Étoile d’Ishtar), qui a vendu à l’Antiquen Museum de Bâle un cartonnage constitué de cinq pièces en toile de lin peinte, estime n’avoir “pas trop mal travaillé”.

Les tableaux tant anciens que modernes (sous-représentés) ont été peu prisés des collectionneurs. Pour le Belge Robert Pintelon, spécialiste des maîtres anciens, qui a vendu 83 000 francs suisses un Bouquet de fleurs de Jan van Thielen, “les Suisses ont un goût plus affirmé pour l’archéologie que pour les tableaux”. Résultats contrastés du côté des deux seuls libraires du salon : Pierre Berès a cédé une édition originale des Pensées de Pascal pour 2 500 francs suisses, mais aucun livre rare ou important ; le Suisse Heribert Tenscher, qui proposait une sélection de cent manuscrits médiévaux, semblait nettement plus satisfait. “De nombreux contacts devraient se concrétiser dans les semaines à venir”, assurait-il.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°94 du 3 décembre 1999, avec le titre suivant : Pari gagné pour Cultura

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