Galerie

Moreux, le néoclassique

Ses meubles sont exposés chez Yves Gastou

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 1999 - 628 mots

PARIS

Architecte, scénographe, muséographe, créateur de jardins, Jean-Charles Moreux (1889-1956) fut aussi un grand créateur de meubles qui a excellé dans le style néoclassique. Yves Gastou s’intéresse depuis quinze ans à celui qui figure parmi les plus originaux de la première moitié du XXe siècle, avec André Arbus, Louis Süe et Émilio Terry.

PARIS - “J’ai voulu donner au meuble un rôle de comparse, de compagnon aimable et discret qui ne jure pas dans le cadre de la chambre. Je l’aime habillé de belles matières”, insistait Jean-Charles Moreux. Sa préférence le pousse vers les bois fruitiers, le noyer, le sycomore, l’orme et le chêne. Il utilise aussi les bois noircis et le fer forgé. Après avoir étudié des modèles d’habitation bon marché et des meubles standard, cet ingénieur et architecte de formation a travaillé pour une élite financière, culturelle et artistique. Le baron Robert de Rothschild et le vicomte de Noailles ont figuré parmi ses clients, mais aussi le fabricant de textiles Léon-Louis Weill et les couturiers Jacques Doucet et Raphaël. Délaissant le mouvement moderniste et ses meubles tubulaires, il a vite opté pour l’ébénisterie de tradition. “Au départ, en tant que membre de l’UAM, il a réalisé des meubles simples qu’il a eu quelques difficultés à vendre. L’aspect répétitif et monotone de ces créations l’incite à se séparer de Le Corbusier et de ce mouvement,” explique Yves Gastou.

Dès la fin des années vingt, il intègre à ses créations des références à l’Antiquité grecque et romaine, à l’art de la Renaissance et au Baroque. “C’est un des plus grands ébénistes de sa génération, poursuit le galeriste Comme Arbus, Adnet ou Quinet, il a travaillé dans la tradition néoclassique. Il a créé des meubles exceptionnels, avec des lignes intemporelles nettement plus épurées que celles de Ruhlmann. Il ne garde que l’essentiel.”

Papillons, coquillages et oiseaux
Avec Süe et Mare, Moreux a été un des précurseurs de la tendance néo-baroque. Pour contrer l’aridité de l’intérieur rationaliste, il agrémente ses créations de décors naturalistes et d’hommages à l’antique, avec des lits et des tables à piétements en pattes de fauve, des lampadaires en fer forgé en forme de chevaux cabrés, des canapés et des lits inspirés de la structure du coquillage. Influencé par Bolette Natanson, fille d’Alexandre Natanson, fondateur de la Revue blanche, il invente des compositions étonnantes à partir de papillons, de coquillages ou d’oiseaux.

L’exposition propose des pièces en laque, en fer forgé ou en verre, des consoles, tables, chaises, bureaux, miroirs, lampadaires dont les prix vont de quelques dizaines de milliers de francs à 250 000 francs. Parmi les meubles les plus abordables, signalons une paire de fauteuils en fer forgé (40 000 francs) ; la plus onéreuse est une console en poirier noirci (250 000 francs). À noter aussi une table entièrement en pierre (100 000 francs), une paire de fauteuils en fer forgé (50 000 francs) et un miroir réalisé avec Bolette Natanson (40 000 francs). Jusqu’à une date récente, il était très difficile d’établir une cote pour Moreux, dont les créations ne passent que très exceptionnellement en vente publique. Une table en galuchat avait été adjugée plus de 300 000 francs lors de la vente Manoukian, en décembre 1993. Le 5 décembre, un ensemble de mobilier vendu par l’étude Lombrail et Teucquam, à la Varenne-Saint-Hilaire, comprenait notamment une belle console en bois noirci adjugée 100 000 francs, une salle à manger composée d’un buffet, d’une table et de quatre chaises (290 000 francs) et un ensemble de quatre fauteuils (410 000 francs).

JEAN-CHARLES MOREUX

Exposition-vente, jusqu’au 15 janvier, galerie Yves Gastou, 12 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 53 73 00 10, tlj sauf dimanche et lundi 11h-13h et 14h-19h. Susan Day, Jean-Charles Moreux, architecte-décorateur-paysagiste, Norma éditions, 376 p., 350 ill., 495 F. ISBN 2-909283-44-5.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°95 du 17 décembre 1999, avec le titre suivant : Moreux, le néoclassique

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