Accident

Marcia victime de négligence

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 3 juin 2008 - 607 mots

Un panneau du XVe siècle de Domenico Beccafumi s’est brisé en deux au moment du décrochage d’une exposition à la National Gallery of Art, à Londres.

LONDRES - Une peinture sur panneau de bois de Domenico Beccafumi (1486-1551), vieille de cinq siècles et intitulée Marcia, s’est brisée en deux dans l’un des plus graves accidents de manipulation de mémoire de musées britanniques. Le dommage est survenu lors du décrochage de l’exposition « Renaissance Siena : Art for a City » (Sienne à la Renaissance : l’art pour une cité), présentée à la National Gallery of Art de Londres et qui s’est achevée le 13 janvier. Entré en fonction en février, le nouveau directeur du musée, Nicholas Penny, a reconnu que l’accident était « extrêmement grave ». Marcia était en cours de décrochage dans les salles d’exposition temporaire de l’aile Sainsbury quand elle a glissé hors de son cadre provisoire avant de tomber sur le sol. L’œuvre est constituée de trois panneaux verticaux hauts de près d’un mètre chacun ; le choc a eu pour conséquence de détacher entièrement le panneau de gauche des deux autres.
Si, habituellement, les travaux de restauration sont entrepris seulement après avis favorable des administrateurs de la National Gallery, une consolidation s’est révélée urgente afin de prévenir de nouvelles dégradations. Informé sur le champ, le président du musée, Peter Scott, a donné son accord. Les deux parties ont été réunies et la peinture écaillée a été stabilisée. Des manques sont fatalement apparus à l’endroit où les panneaux se sont disjoints, allant jusqu’à atteindre près d’un centimètre de large le long de la fracture verticale. Cette surface a été retouchée.

Restauration invisible
Le conservateur en chef, Martin Wyld, alors directeur par intérim du musée, a aussitôt commandé un rapport d’enquête pour déterminer les causes de l’accident et définir des mesures destinées à prévenir de nouveaux incidents. L’enquête, qui a été longue, touche à sa fin. Si, par le passé, les musées britanniques ont souvent manqué de transparence en la matière, la National Gallery ne cache pas aujourd’hui la gravité des faits. L’incident a été brièvement rapporté dans le compte rendu de l’assemblée du conseil d’administration qui s’est tenu le 8 février, un document récemment mis en ligne sur le site du musée. Le ministère britannique de la Culture, des Médias et des Sports a aussi été avisé rapidement des dégâts.
Les premiers indices suggèrent que l’accident serait en partie imputable aux techniciens chargés du décrochage, lesquels, mal informés, ignoraient que le cadre dans lequel était présenté le tableau était avant tout décoratif, et que la Marcia n’y avait pas été fixée solidement. Il n’empêche, le cadre et les attaches auraient dû faire l’objet d’un examen attentif avant de procéder au décrochage.
La Marcia a été restaurée à la fin du mois de janvier et l’œuvre a retrouvé l’emplacement qu’elle occupait avant l’exposition sur Sienne. Selon l’institution, la restauration « n’est pas visible dans les conditions normales d’exposition ». En effet, sous l’éclairage actuel du musée, on distingue à peine la bande verticale endommagée quand on la regarde de face. Celle-ci ne devient visible que lorsque l’on se tient à gauche du tableau.
Il existe trois peintures sur bois de Beccafumi représentant des Femmes exemplaires (allégorisant des vertus), et celles-ci faisaient partie à l’origine de la décoration de la chambre à coucher de Francesco Petrucci datant de 1519-1520 : la Marcia et la Tanaquil appartiennent l’une et l’autre à la National Gallery, et ont été réunies le temps de l’exposition « Renaissance Siena » à la Cornelia, prêtée par la Galleria Doria Pamphilj de Rome. Les trois œuvres avaient été présentées ensemble dans un cadre moderne.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°283 du 6 juin 2008, avec le titre suivant : Marcia victime de négligence

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