Ventes aux enchères

ENTRETIEN

Entretien avec Cécile Verdier

Directrice du département des arts décoratifs du XXe siècle et design, Sotheby’s, Paris

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 21 mai 2008 - 688 mots

« S’ouvrir à l’après-guerre et au contemporain »

Après dix ans passés chez Christie’s, vous avez pris la direction du département des arts décoratifs du XXe siècle et design de Sotheby’s France. Vendre du design à Paris est-il une nouveauté pour la maison de ventes ?
Jusqu’à présent, Sotheby’s France vendait peu de design – lequel était exporté à Londres ou New York –, par goût, et du fait d’un partage tacite du marché. Aujourd’hui, nous souhaitons ouvrir le département parisien plus largement aux pièces de l’après-guerre et contemporaines, sans organiser pour l’instant de vente spécifique de design.

Comment expliquez-vous cet engouement actuel pour le design d’après guerre ?
Les pièces majeures d’Art déco sont devenues rarissimes et leurs prix inaccessibles. Le passage au XXIe siècle a par ailleurs donné un label « antiquités » aux créations de la seconde moitié du XXe siècle, et contribué ainsi à attirer de nouveaux collectionneurs. Parallèlement, les professionnels surfent sur la vague de l’engouement pour l’art contemporain. Ils se positionnent davantage en vendeurs d’art contemporain qu’en antiquaires ou éditeurs de création contemporaine, et captent ainsi un public d’amateurs d’art contemporain.

Où Paris se situe-t-elle dans le marché international de l’Art déco et du design ?
Le marché de l’Art déco se partage entre la France, haut lieu de la création dans ce domaine, et les États-Unis, où, dès les années 1930, il existe une tradition de collection et de commandes. Les acheteurs dans les ventes parisiennes sont multiples : américains, européens, mais aussi et de plus en plus, russes, du Moyen-Orient ou indiens. Ces derniers remplacent en partie les acheteurs américains, freinés pour certains par la faiblesse actuelle du dollar pour les pièces moyennes.
L’Art nouveau est un micromarché difficile à maîtriser. Alors que les Américains sont passionnés d’Arts & Crafts et de pièces signées Tiffany, en Europe, peu d’œuvres de grande qualité passent sur le marché depuis la crise asiatique de la fin des années 1980.
L’essentiel du design cédé en ventes publiques l’est à New York et, de plus en plus, à Londres. La capitale anglaise draine l’argent du monde entier et la foire internationale d’art contemporain Frieze y a pris un essor considérable en très peu de temps, entraînant le design dans son sillage.

Vous présentez le 3 juin à Paris une collection de meubles de Marc Du Plantier. Quelle est son importance ?
À partir de 1939, Marc Du Plantier se rend en Espagne à la demande d’une grande famille madrilène pour remeubler leurs résidences, après les destructions de la guerre d’Espagne. Il reçoit par la suite plusieurs commandes issues de la même famille, parmi lesquelles celle, en 1940-1941, du mobilier de l’appartement de la marquise de Morbecq et de son époux, des pièces mises aujourd’hui en vente par Sotheby’s. L’édition d’un catalogue séparé réunissant vingt-deux créations inédites du décorateur (est. 500 000 euros) se justifie car l’ensemble est rare et très homogène. Hormis deux modèles créés par Marc Du Plantier dès les années 1930 et que l’on retrouve dans d’autres collections, tous les meubles présentés ici sont des pièces uniques.

Quelles sont les caractéristiques de cet ensemble ?
Ils sont pour la plupart inspirés du néoclassicisme, dans une réinterprétation épurée, à l’instar d’une élégante longue console en acajou avec son plateau de marbre blanc et ses pieds en forme de cornes élancées (est. 50 000-80 000 euros). Plusieurs pièces sont de conception plus moderniste, telle une table basse en bois laqué blanc soulignée par une baguette en laiton (est. 25 000-35 000 euros), plus proche de l’esprit des années 1930, ou une paire de lampadaires avec un fût à trois ailettes profilées (est. 50 000-80 000 euros) annonçant son travail en métal d’après guerre. Cette période espagnole (1939-1948) de Marc Du Plantier demeure très peu connue, la plupart des pièces étant restées dans les familles. Les estimations sont raisonnables et, compte tenu de la provenance, nous pouvons nous attendre à de jolies surprises..

COLLECTION DE LA MARQUISE DE MORBECQ. MEUBLES DE MARC DU PLANTIER

Vente le 3 juin à la galerie Charpentier, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°282 du 23 mai 2008, avec le titre suivant : Cécile Verdier

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