Bruxelles

Question d’envie

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2008 - 715 mots

Malgré un sérieux bond qualitatif, Art Brussels affiche un bilan commercial mitigé.

BRUXELLES - L’air de ne pas y toucher, la foire Art Brussels (18-21 avril) s’est bonifiée cette année sans pour autant se guinder. À la prétention, elle a opposé la fraîcheur, au trop-plein, un effort de lisibilité, patent sur les stands de Loevenbruck (Paris) ou Tucci Russo (Turin). Avec à la clé le plaisir de trouvailles ou de retrouvailles comme ces Compagnons de galère de Vincent Olinet, masques réalisés à partir de découpages de bois et de tuyaux chez Laurent Godin (Paris). On s’attardait volontiers sur le stand de Valérie Cueto (New York) devant le mur de dessins dominé par une spectaculaire feuille de Marko Velk ou dans les cabinets érotique ou conceptuel de la galerie 1900-2000 (Paris). Certains artistes avaient pris le parti de taquiner les Belges pour éprouver leur humour. Dans son exposition personnelle baptisée « Spiritual Genocide » chez Mario Mauroner (Vienne-Salzbourg), Barthélémy Toguo avait peint un drapeau belge, sur lequel on pouvait lire « De Scheiding » (la scission) en 2029, allusion à la fragile unité nationale du pays… Autre œuvre caustique, la vidéo de Nedko Solakov, baptisée Confidentially guaranteed, montrant de faux marchands en train de négocier de grosses transactions. En sous-titre : « le meilleur art que vous pouvez acheter avec votre argent noir », denrée très courante outre-Quiévrain…

Audience franco-belge
L’argent blanc ou noir n’a pas forcément coulé à flot sur le salon. De fait, le bilan s’est révélé mitigé selon les exposants. « Ce n’est pas génial, mais je crois que mon emplacement joue beaucoup. Le soir du vernissage, certains collectionneurs ont fait le premier hall, mais pas le second », regrettait Frédéric Giroux (Paris). Celui-ci a toutefois réussi à vendre au bout de trois participations à des collectionneurs belges. « Ce n’est pas la foire où les gens courent dans les couloirs avec deux téléphones portables à la main », sourit pour sa part Michel Rein (Paris), tout en s’estimant satisfait des résultats. « Après le vernissage très lent, j’avais craint la catastrophe, mais ça s’est finalement bien passé, remarquait, quant à elle, Aline Vidal (Paris). Les choses sont moins évidentes, le regard flotte plus que d’habitude, on sentait moins d’envie. » Les Objets nous regardent de Jean-Luc Vilmouth, bricoles du quotidien percées d’orbites, ont néanmoins suscité l’envie d’une collectionneuse portée sur les yeux. D’autres galeristes comme Alain Gutharc (Paris) affichaient un contentement sans bémol. Idem pour Suzanne Tarasiève (Paris), laquelle a cédé trois dessins d’Alkis Boutlis au collectionneur allemand Thomas Olbricht. De son côté, Nathalie Obadia (Paris) a fait feu de tout bois en cédant à une grande collection d’entreprise belge un tableau de Martin Barré et son pimpant bouquet de roses artificielles de Michael Delucia à un amateur belge. Le collectionneur Mark Vanmoerkerke a enfin emporté une Voie lactée de Robert Longo chez Daniel Templon (Paris), commande effectuée en amont du salon.
La disparité commerciale d’Art Brussels tient beaucoup à l’audience essentiellement franco-belge du salon. Dans un contexte économique hasardeux, seuls les événements ratissant une large clientèle internationale résisteront au ralentissement.

Ça déménage à Bruxelles !

Bourgeoise ? Ronronnante ? Bruxelles s’est délestée de ces qualificatifs le temps de deux expositions. Celle du Educational Complex Onwards (1995-2008) de Mike Kelley au Wiels offre, jusqu’au 27 juillet, une vraie leçon de commissariat. La précision de la mise en espace permet de donner un sens, mieux de l’épaisseur et de la limpidité à certaines œuvres passées inaperçues dans d’autres contextes comme le Palazzo Grassi (Venise). Côté galerie, Rodolphe Janssen propose jusqu’au 17 mai une exposition tendue, empreinte de l’esprit Heavy Metal, de l’Américain Banks Violette. Fendant la première salle de la galerie, un ensemble de panneaux peints en époxy noir (150 000 euros) crée d’emblée une étrange crispation. Ce malaise monte d’un cran lorsqu’on réalise, au verso, que la structure ne tient en équilibre que par l’effet de contrepoids. Est-ce le lisse du recto ou la contraction du dos qui l’emportera ? Dans la seconde salle, c’est un sentiment d’apocalypse que produit un lustre fracassé au sol. À y regarder de près, chaque fragment a été moulé en aluminium, puis recouvert d’un sel qui ronge, purifie et fige à la fois. Difficile de ne pas y voir aussi un clin d’œil à une autre poudre blanche.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Question d’envie

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