ENTRETIEN

Jean-Pierre Lelièvre

« Rapport Bethenod : une vision parisianiste »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2008 - 708 mots

Un entretien avec Jean-Pierre Lelièvre, commissaire-priseur à Chartres (SVV Galerie de Chartres), membre du groupe Ivoire, président de la Chambre des commissaires-priseurs judiciaires de la région parisienne.

Que pensez-vous des mesures annoncées issues du rapport Bethenod, pour redynamiser le marché de l’art en France ?
Il y a beaucoup de choses qui vont dans le bon sens. Mais pour l’instant, ce ne sont que des déclarations d’intentions. Et la majorité des choix qui ont été faits sont en faveur du développement des cinq plus grosses maisons de ventes aux enchères en France. Le rapport Bethenod a une vue très parisianiste et élitiste du marché. Un seul confrère de Province, Régis Bailleul, à Bayeux, a été auditionné par Monsieur Bethenod, alors que plusieurs personnes des grandes maisons parisiennes ont été entendues. Même si les commissaires-priseurs de Province comptent une plus faible valeur d’activités qu’à Paris, et que l’on considère qu’ils ne pèsent pas grand-chose sur le plan international, ils représentent une écrasante majorité des coups de marteau dans l’Hexagone. Et quand Monsieur Bethenod écrit, page 27 de son rapport, que les structures de proximité « sont confrontées globalement à une certaine désaffection du public pour le mobilier traditionnel ainsi qu’à un manque de renouvellement de la clientèle », cela dénote une méconnaissance du terrain.

Quelles sont les spécificités qui n’ont pas été prises en compte pour les commissaires-priseurs en régions ?
La dissociation de l’activité volontaire de celle du judiciaire est lourde à gérer en province.

Que pensez-vous des dispositions fiscales et réglementaires qui ont été actées ?
Tout allégement de la fiscalité est positif. Concernant les dispositions réglementaires, je pense qu’il faut une autorité de régulation du marché qui fonctionne de façon intelligente. Ensuite, il a été dit que nous aurions le choix de la forme commerciale de nos sociétés de ventes. Mais personne ne comprend vraiment ce que cela veut dire à part de nous permettre de faire des ventes de gré à gré, ce qui, pour nous, n’est pas une priorité mais serait au mieux un service accessoire. Le système du prix garanti peut être intéressant pour décrocher des ventes face à la concurrence de maisons étrangères. Quant à la possibilité d’acheter pour revendre, ce n’est franchement pas notre culture.

Quelle est votre situation à Chartres ?
Nous sommes trois commissaires-priseurs, nous employons quinze salariés et disposons de deux lieux de vente. En 2007, notre chiffre d’affaires (hors commission) était de 8 millions d’euros. L’une de nos spécialités dont je m’occupe, est la vente de poupées, de jouets et d’automates qui représente près de la moitié de notre chiffre d’affaires. Recevoir une collection de poupées de l’étranger, du Japon ou de Suisse, peut être compromis par une TVA à l’importation trop élevée comme cela m’est déjà arrivé. Est-ce que ma spécialité peut être concernée par l’abaissement de la TVA à taux réduit pour des objets de collection tel que cela est préconisé dans le rapport Bethenod ?

Quelle est votre actualité des ventes ?
Le 17 mai, avec l’assistance de l’expert Arnaud Delas, je présente une jolie vente de photographies principalement anciennes, d’environ trois cents lots. C’est un domaine dans lequel nous sommes pionniers avec des premières vacations spécialisées à Chartres au début des années 1980, bien avant que Artcurial, Tajan ou Piasa ne s’y lancent. Les lots phares sont une vue de Paris intitulée Pont de Carrousel vu du pont Royal (vers 1859) par Gustave Le Gray (est. 30 000 euros), ainsi qu’un rare daguerréotype représentant la grande tragédienne Rachel dans le rôle de Phèdre (est. 40 000 euros). Et je suis particulièrement touché par une petite carte de visite représentant les deux frères Marcel et Robert Proust adolescents (est. 1 500 euros). Cette image provient d’un album de famille ayant appartenu à Antoinette, la fille du Président Félix Faure qui était liée avec la famille Proust. C’est d’ailleurs Antoinette qui a fait découvrir au petit Marcel encore adolescent le fameux test devenu le « Questionnaire de Proust »

PHOTOGRAPHIES ANCIENNES ET MODERNES

Vente le 17 mai à Chartres, SVV Galerie de Chartres, tél. 02 37 88 28 28, www.interencheres.com/28001, expositions publiques : le jeudi 15 mai, groupe Ivoire, 3, cité Rougemont, 75009 Paris, 11h-17h, et à la Galerie de Chartres, le 16 mai 14h-17h et le 17 mai 9h-12h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Jean-Pierre Lelièvre

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