Dentelle

Un musée à la campagne

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2008 - 675 mots

Une commune de 2 500 habitants vient de se doter d’un ambitieux musée consacré à l’histoire et à la connaissance de la dentelle.

RETOURNAC - Le pari était audacieux, sa réussite pourrait servir d’exemple. La petite commune de Retournac (Haute-Loire), située entre Saint-Étienne et le Puy-en-Velay, vient, en effet, de se doter d’un équipement culturel rare dans une collectivité de cette dimension. Lancé en 1993, le projet de Musée des manufactures de dentelles a vu le jour depuis quelques mois. Depuis son inauguration, il a déjà accueilli plus de 4 500 visiteurs, soit presque le double de la population locale. Un succès dû à la singularité du projet. Car si la commune aurait pu ouvrir un énième musée de site, galvaudant encore davantage l’image de la dentelle, son directeur, Bruno Ythier, a conçu un outil original – associant une médiathèque publique et un musée. Il concilie lieu de mémoire et projet muséographique attractif en milieu rural. « Nous avons traversé des périodes de doute face à ce greffon de culture savante sur notre culture locale », reconnaît avec honnêteté le nouveau maire et conseiller général, Pierre Astor.
Labellisé « Musée de France », l’établissement explore les différents champs liés à la dentelle, des Arts décoratifs à l’ethnographie sans oublier l’histoire industrielle. L’essentiel des collections a été fourni par les biens de la famille Experton, propriétaire de plusieurs manufactures de dentelles à Retournac, soit près de 400 000 objets liés à l’histoire de l’entreprise et plusieurs bâtiments, rachetés par la commune en 1994 et 1997. Le musée est hébergé dans l’une de ces anciennes manufactures, réhabilitée et agrandie par l’architecte Claude Tautel. Ce dernier a livré un travail remarquable, préservant de manière quasiment archéologique les anciens bâtiments, les augmentant d’une extension construite en belvédère sur la pente cadrant des vues sur la vallée de la Loire. Son travail est mis en valeur par une scénographie élégante et astucieuse.
Le parcours débute par une présentation de l’histoire de la dentelle depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. Pour le nourrir, il a fallu enrichir une collection hétérogène, suscitant des dépôts d’autres musées, achetant des pièces au gré des opportunités. « L’atonie du marché nous a permis de constituer une véritable collection de référence sur la dentelle, ce qui n’aurait pas été possible, à budget équivalent, il y a une dizaine d’années », avoue avec satisfaction son directeur. Des pièces rares, telle cette dentelle à l’aiguille « en gros point de Venise » des années 1660, sont ponctuées par quelques tableaux anciens à caractère documentaire, comme Dentellières de la Haute-Loire, effet de nuit de Jean-Marie Faverjon (vers 1869), rare scène de ce type échappant au pittoresque. La visite se poursuit par une section ethnographique consacrée aux dentellières. Celle-ci présente, en évitant l’écueil du folklore, le fruit d’une enquête orale menée auprès de la population. « Nous n’avons pas souhaité établir de hiérarchie entre les objets et les témoignages », explique Bruno Ythier qui milite pour que cet ensemble soit rattaché à la collection labellisée « Musée de France » au titre du patrimoine immatériel. Au rez-de-chaussée, le « Grand atelier » évoque à la fois l’espace de travail, mais aussi les savoir-faire et les processus de création du dessinateur, déclinés dans de grandes tables vitrine, avec une pédagogie appuyée qui distingue le lieu d’un musée des Arts décoratifs classique. Au niveau inférieur sont présentés les grands métiers mécaniques, dans un espace menant à la salle d’exposition modulable. Celle-ci accueillera les expositions qui sont déjà en gestation, en collaboration avec le Textil Museum de Saint-Gall (Suisse) et la Fondation hellénique pour les tissus anciens d’Athènes. Car Retournac, malgré son isolement géographique, ambitionne aussi de devenir un lieu de recherche de référence sur la dentelle, en misant notamment sur les nouvelles technologies. Toutes les collections de dentelles et de livres spécialisés sont ainsi en cours de numérisation afin d’être accessibles aux chercheurs du monde entier grâce à Internet.

MUSÉE DES MANUFACTURES DE DENTELLES, 14, avenue de la Gare, 43130 Retournac, tél. 04 71 59 41 63, www.ville-re tournac.fr, tlj 14h-19h.

MUSÉE DES MANUFACTURES DE DENTELLES

- Architecte : Claude Tautel
- Scénographe : Le Scénoscope (Franck Fortecoëf)
- Budget (HT) : 3,45 millions d’euros
- Union européenne (Feder) : 35 %
- Ministère de la Culture : 15 %
- Conseil Régional d’Auvergne : 15 %
- Conseil Général de Haute-Loire : 15 %
- Commune de Retournac : 20 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Un musée à la campagne

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