Nouveaux poids lourds à Bruxelles

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2008 - 756 mots

Les galeries Barbara Gladstone et Almine Rech prennent leurs quartiers à Bruxelles
n Des arrivées qui réjouissent les marchands bien implantés sur place

La nouvelle a fait grand bruit dans le landerneau belge : la puissante galeriste new-yorkaise Barbara Gladstone ouvrira en octobre une galerie dans une maison de maître, sise rue du Grand-Cerf, en plein cœur de Bruxelles ! La direction en a été confiée à Natacha Van Deun, directrice durant neuf ans du bureau de Christie’s à Bruxelles. « Nous avons beaucoup d’artistes européens et de clients en Belgique, explique Maxime Falkenstein, l’associé de Gladstone dans cette tête de pont européenne. Nous avons visité d’autres villes, mais Barbara n’a pas envie de suivre le mouvement des autres galeries. Bruxelles nous a semblée avoir une atmosphère à part, la situation et l’esprit belges nous paraissent idéaux. Beaucoup d’artistes y vivent, c’est central, facile. Nous voulons que la galerie ait une identité européenne. L’espace n’est pas comparable à celui de New York, ni au nouveau lieu d’environ 1 000 mètres carrés que nous ouvrirons en mai sur la vingt et unième Rue à Chelsea avec un solo show d’Anish Kapoor. » Sans aller jusqu’à dire que Gladstone a choisi Bruxelles par défaut, il est clair qu’elle ne pouvait s’installer à Londres, où les trois quarts de ses artistes sont déjà représentés par Lisson, White Cube et Sadie Coles. Ayant loupé le coche berlinois, où les collectionneurs locaux sont de surcroît rares, elle aurait été noyée dans la masse des structures qui l’y auraient précédée depuis deux ans. Terre d’élection de Marian Goodman, Paris, enfin, reste un point d’ancrage difficile et cher pour les galeries. La solution bruxelloise présente d’autres avantages, notamment au niveau des intérêts notionnels (1) dont bénéficient les entreprises belges. Par ailleurs, Gladstone pourra plus avantageusement vendre à un client new-yorkais à partir de l’Europe, car celui-ci n’aurait pas à débourser la sale tax de 8,5 % qui frappe les transactions effectuées à New York. Reste à voir quels arrangements la galerie compte trouver avec Chantal Crousel, sa voisine parisienne située à tout juste une heure vingt de train, et qui représente elle aussi l’artiste Thomas Hirschhorn. « Nous ne sommes pas là pour piquer les artistes ni être dans la compétition », assure Maxime Falkenstein.

Accueil chaleureux
Les galeries bruxelloises ont accueilli la nouvelle avec une joie non dissimulée. « L’arrivée de galeries supplémentaires à Londres ou Berlin n’apporte rien de nouveau à ces villes. En revanche à Bruxelles, nous n’avons pas encore atteint une masse critique et tout ce qui se rajoute ne peut que créer un pôle d’attraction. La concurrence, ça réveille ! », observe Xavier Hufkens. Pour Edmond Francey, codirecteur de la galerie Baronian-Francey, « Bruxelles permet à Barbara Gladstone d’être en Europe sans jouer la carte de la frime. C’est une opération intelligente et j’espère que nous profiterons tous de la visibilité qu’elle donnera. »
Une visibilité que dopera aussi l’installation de la galerie Almine Rech dans un espace de 1 000 m2, situé rue de l’Abbaye et dont l’inauguration est prévue le 11 octobre avec une exposition monographique d’Anselm Reyle. « Certains choisissent la Chine ou les États-Unis, moi je voulais étendre mes possibilités en Europe. À Londres, beaucoup de galeries sont déjà implantées, et à Berlin on constate une ruée pas très sélective. C’est le miroir aux alouettes », explique Almine Rech, devenue résidente bruxelloise. Les nouveaux locaux disposent d’une hauteur sous plafond importante permettant de montrer des œuvres monumentales. « Le nouvel espace donne de l’inspiration à mes artistes, qui peuvent se lasser d’un lieu où ils auraient déjà fait pas mal d’expositions », poursuit Almine Rech, qui accueillera bientôt deux nouveaux créateurs belges dans son escarcelle.
Ce mouvement est-il le prélude à un rush ? Pas sûr. Voilà une dizaine d’années, la Galerie de France, Ghislaine Hussenot et Jean Bernier avaient tenté de s’établir à Bruxelles avant de tirer leur révérence. On peut même s’étonner qu’un pays qui compte autant de collectionneurs ne possède pas davantage de structures de diffusion. « Nous avons cent, deux cents très bons collectionneurs, mais nous n’avons pas de gens de passage, de la mode ou du show-biz comme on peut en voir à Paris », explique le galeriste bruxellois Rodolphe Janssen. Et l’un de ses confrères d’ajouter : « On devrait peut-être se poser la question inverse. N’y a-t-il pas trop de galeries ailleurs ? Il n’y a quand même pas plus d’une vingtaine d’artistes qui comptent par génération… »

(1) système permettant aux entreprises de valoriser leurs fonds propres.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°279 du 11 avril 2008, avec le titre suivant : Nouveaux poids lourds à Bruxelles

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