Un début de siècle nostalgique au Louvre

Le musée redéploie ses objets d’art du XIXe siècle à l’extrémité de l’aile Richelieu

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2000 - 846 mots

Parent pauvre du département des Objets d’art du Louvre, la première moitié du XIXe siècle bénéficie d’un redéploiement sur 1 000 m2. Du néoclassicisme hérité de l’Empire à l’historicisme du style Louis-Philippe, près de deux cents œuvres jalonnent cette période méconnue et achèvent le circuit de l’aile Richelieu.

PARIS - Lorsqu’à la Restauration, Louis XVIII s’installe dans les Tuileries de Napoléon, il se contente du lit de l’Empereur dessiné par Percier, gommant les abeilles, les aigles et les “N” pour faire place aux lys. En 1852, l’impératrice Eugénie ne se soucie guère de la provenance du salon du duc de Nemours laissé dans la résidence royale. Le style Louis XV adopté par le peintre Eugène Lami pour la décoration de la salle d’audience du prince héritier est à son goût et elle s’empresse de faire compléter l’ensemble. Coincés entre deux Empires, les objets d’art de la Restauration (1814-1830) et de la monarchie de Juillet (1830-1848) sont longtemps apparus comme les parents pauvres des collections du Louvre – sur les 175 pièces exposées, une centaine ont été acquises ces quinze dernières années. L’ouverture d’Orsay, en 1986, a mis en évidence ce manque, mais l’exposition “Un âge d’or des arts décoratifs : 1814-1848”, au Grand Palais en 1991, a constitué un jalon important dans la découverte de  cette période. Prolongeant les salles du premier Empire, le redéploiement de ces collections sur 1 000 m2, à l’extrémité ouest de l’aile de Richelieu, marque une nouvelle étape dans cette réévaluation.

À proximité des appartements de Napoléon III, l’aménagement des sept salles par Jean-Michel Wilmotte tranche par son minimalisme, tout en rejoignant la charte muséographique mise en place par ce dernier dans la quasi-totalité du circuit des objets d’art. Installé dans un espace gris au volume impressionnant, la chambre à coucher de Louis XVIII et de Charles X place le visiteur au cœur du renouveau monarchique. Délaissé symboliquement au profit de la salle du trône sous le règne de Napoléon Ier, le lit du roi reprend ses droits avec le retour des Bourbons. Le mobilier présenté correspond en fait à son état de 1826. Le lit est celui réalisé par Saint Ange à la demande de Charles X, qui ne souhaitait pas dormir là où le corps de son frère avait reposé. Mêlant acanthes, lauriers et fleur de lys, son ornementation répond à celle des panneaux de velours créés par la firme lyonnaise Grand Frères, mais l’empreinte du néoclassicisme reste forte. Ornés de deux éléphants en bronze, la paire de vase “Clodion” offerte par Louis XVIII à son frère cadet, en 1818, montre toutefois une plus grande fantaisie, héritée de la porcelaine du XVIIIe siècle. Au gré des expositions des produits de l’industrie, les œuvres sont regroupées chronologiquement et par thèmes dans deux salles aux murs jaunes accordés à la garniture de la toilette en cristal de la duchesse de Berry, acquise en 1819 pour son château de Rosny.

Un historicisme dépassé
Un vert sombre a été choisi pour signifier la rupture stylistique véhiculée par la monarchie de Juillet. La première des trois salles consacrées au règne de Louis-Philippe abrite, outre les très classiques bas de bibliothèque du duc d’Orléans, un ensemble de pendules et de candélabres de 1815 à 1848. Rendu obligatoire par le manque de support dans les collections, ce panorama confronte la rigueur sévère d’une pendule de Thomire à l’éclectisme de Charpentier. Pareil étalage aurait été l’occasion d’un didactisme plus appuyé, reproche applicable à la totalité des espaces. Pourtant, la clarté des salles – paradoxalement améliorée par l’absence de tapisseries, trop grandes pour la hauteur sous plafond – permet d’apprécier le foisonnement décoratif de la période. Néogothique prisé par Marie d’Orléans ou Renaissance revisitée par Henri Chenavard, ébénistes et orfèvres déclinent les siècles passés, et l’interprétation rococo d’une scène du Massacre des innocents de Poussin par Rudolphi, acquise cette année, apparaît comme l’apogée de l’éclectisme. Mais l’historicisme est parfois transcendé, comme en témoigne la coupe des Vendanges ciselée en 1844 par Froment Meurice, ou anticipe sur la fin du XIXe siècle, à la manière du lustre de style persan dessiné par Feuchères, aux courbes précocement Art nouveau.

Inaugurée et refermée

Inaugurée en présence de Lionel Jospin à la fin du mois de mai (lire le JdA n° 85, 11 juin 1999), à l’extrémité ouest de l’aile Denon, la porte des Lions devait offrir une alternative utile à une Pyramide engorgée et un accès direct à la collection de peintures italiennes. Mais en dehors des week-ends et des vacances scolaires, celle-ci reste désespérément close, faute de personnel. La crise de croissance du Louvre ne paraissant pas être suivie d’une hausse de moyens proportionnelle, l’ouverture à plein-temps devra attendre le printemps 2000 et l’installation de l’antenne du Musée des arts et civilisations dans le pavillon des Sessions. Pénalisé par l’aménagement de ces salles, le Cabinet des arts graphiques, fermé depuis le 5 juillet, offre tout de même la possibilité de consulter les dessins et gravures qu’il conserve, du lundi au vendredi de 13h à 18h, le samedi de 10h à 13h, sur demande écrite, par fax au 01 40 20 53 51.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Un début de siècle nostalgique au Louvre

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