L’actualité vue par Hervé Chandès

Directeur de la Fondation Cartier

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2000 - 830 mots

Entré à la Fondation Cartier en 1985, Hervé Chandès en dirige depuis 1994 l’ensemble des activités, à la fois la programmation internationale, la constitution de la collection et les commandes passées aux artistes. Il a ainsi organisé plus de trente expositions à Paris, en particulier celles de Sarah Sze et Herb Ritts présentées actuellement. Il a également assuré le commissariat de l’exposition de Pierrick Sorin à la Biennale de São Paolo en 1998. Il commente l’actualité.

Le projet de Gilles Clément et Jean Nouvel a été primé pour le Musée des arts et civilisation du quai Branly. Quelle est votre réaction en tant qu’utilisateur au quotidien d’un bâtiment signé par l’architecte ?
Je suis avant tout très content pour Jean Nouvel. Ensuite, je pense que c’est une bonne nouvelle pour Paris, qui a absolument besoin de projets brillants. À l’étranger, Jean Nouvel, cela veut dire quelque chose. Rive gauche, le triptyque signé Jean Nouvel – Institut du monde arabe, Fondation Cartier et Musée des arts et civilisations – aura de l’allure. Pour ce qui est de l’usage du bâtiment de la Fondation, je dirais que si, comme les musées, nous agissons dans le territoire de l’art contemporain, nous n’avons pas nécessairement les mêmes pratiques. Le bâtiment de Jean Nouvel inspire très largement l’action de la Fondation pour des raisons évidentes, liées à l’architecture. En même temps, une grande partie de la programmation est autonome. N’oublions pas non plus que la plupart des expositions dans les grands espaces transparents font l’objet de commandes. Des œuvres essentielles de Jean-Pierre Raynaud, James Lee Byars, Raymond Hains ou actuellement Sarah Sze n’existeraient pas si les artistes n’avaient pas rencontré le bâtiment. Les créateurs peuvent jouer avec l’architecture. Rappelez-vous les expositions Issey Miyake ou Panamarenko, par exemple ! De toute façon, ce qui compte, c’est de tirer parti des circonstances. Je suis également convaincu que l’omniprésence de la transparence a joué un grand rôle dans le fait d’ouvrir largement les territoires de la programmation de la Fondation. Elle a influé sur sa façon d’être. D’une certaine manière, la transparence nous encourage à être ouverts, mobiles et flexibles, à alterner des expositions différentes, les exporter à l’étranger, multiplier les Soirées Nomades et les renouveler… Il y a une sorte de coïncidence entre l’architecture et l’état d’esprit de la Fondation Cartier.

Un musée arrive, un autre s’en va : le Musée des arts et traditions populaires quitte Paris pour Marseille. Quelle est votre opinion ?
Cela fait longtemps que les traditions populaires ont quitté Paris ! Toute blague mise à part, je pense qu’à Marseille, le Musée des arts et traditions populaires gagnera en visibilité et en énergie. Il y a potentiellement, certainement, une très belle carte à jouer.

Certains “trésors nationaux” vont pouvoir quitter la France par manque de crédits.
La fuite des chefs-d’œuvre, c’est comme la fuite des cerveaux, et c’est très grave. Curieusement, on autorise des chefs-d’œuvre anciens à quitter la France, alors qu’on interdit aux maisons de ventes étrangères d’exercer en France. Comprenne qui pourra !

Le cinéma MK2 Gambetta vient d’ouvrir, dans le 20e arrondissement de Paris, un café où sont présentées des vidéos d’artistes. Qu’en pensez-vous ?
C’est une excellente idée, complètement en phase avec l’air du temps. Il est vrai aussi que de nombreux artistes de la vidéo ont un vrai regard sur le cinéma. Je pense à Pierre Huyghe, Matthew Barney, Douglas Gordon… Le monde de la vidéo et, avec lui, celui des arts plastiques, a tout à gagner à se rapprocher de l’aventure collective que représente le cinéma. L’enjeu est là, à mon sens ! J’ai toujours été tenté, à la Fondation, d’associer des cinéastes à certaines de nos expositions. Je fais allusion aux contributions de Claire Denis, Olivier Assayas, André S. Labarthe, Andrei Ujica, Raymond Depardon... Nous avons encore d’autres projets dans cette voie-là.

Un collectif vient de se voir décerner le prix du Créateur de l’année du Salon du Meuble de Paris : Radi designers. Vous n’êtes peut-être pas étranger à ce succès puisque vous les avez exposés à la Fondation Cartier en avril-mai 1999 ?
C’est une belle récompense pour eux et c’est très gratifiant pour l’action de la Fondation. Avec l’exposition Radi designers, la Fondation est complètement dans son rôle de mécène, qui consiste notamment à faire découvrir de jeunes créateurs. L’exposition des Radi à la Fondation avait fait l’objet d’une commande de notre part ; ce prix est pour nous une sorte de récompense pour toutes les commandes que nous passons aux artistes depuis des années. L’exposition des Radi designers sera présentée à Tokyo à partir du 26 avril, juste avant celle d’Issey Miyake que nous inaugurons, toujours à Tokyo, le 28 avril.

Une exposition vous a-t-elle marquée dernièrement ?
J’ai beaucoup aimé l’exposition du photographe japonais Daido Moriyama, organisée par le Musée d’art moderne de San Francisco. C’est un photographe extraordinaire, le père spirituel d’Araki. Une œuvre très nocturne. Dans un tout autre registre, j’ai une grande passion pour les macintoshages de Raymond Hains. L’enchantement est total.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : L’actualité vue par Hervé Chandès

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